Cosmopaark – and I can’t breathe enough : une ascension vers de nouveaux horizons

Avec leur premier album, les Bordelais de Cosmopaark entendent bien exposer leur propre facette du kaléidoscope d’un genre que l’on pense parfois figé. Voilà un disque qui offre un nouveau départ pour le shoegaze, entre complaisance et affranchissement des codes.

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© ANNE CUEFF

Le défi pour un groupe de shoegaze aujourd’hui, c’est d’exister en tant que groupe de shoegaze. Se faire une place parmi cette masse multiforme que constituent les compositions éthérées et planantes d’un genre pas mal usé.  Surtout, être plus qu’une pâle copie des géants du style, aussi bons soient-ils, My Bloody Valentine, Lush, Slowdive, pour ne citer qu’eux.

Cosmopaark and I can't breathe enoughMais gardons-nous d’apparaître défaitistes face au flot de groupes de shoegaze qui émergent aujourd’hui, car il y a du bon voire du très bon, et particulièrement le shoegaze made in France qui tend à redorer le blason d’un genre en perdition. C’est à Bordeaux que l’on vient pêcher notre nouveau cru de génies du pedalboard, avec Cosmopaark. Défi réussi pour les Bordelais ? Voyons si leur premier album, and I can’t breathe enough, passe entre les mailles du filet des simulacres de nos anciens. Après Sunflower, un premier EP franchement réussi, et un autre collaboratif avec SIZ, on est curieux de voir ce que nous réserve le trio avec un premier disque qui fait la promesse de nous laisser le souffle court.

Concrete Plans nous ouvre l’appétit et nous fait prendre le pouls de cet album avant de nous en laisser entrevoir le potentiel sur Haunted House. Entrevoir oui, avec une formule classique mais efficace et maîtrisée, entre batterie généreuse, voix vaporeuse et guitares distordues. Avec Suffocating, le groupe nous propose un voyage planant, mais qui ne sonne pas nouveau, et nos oreilles s’épuisent un peu sur les deux morceaux suivants qui ne leur offrent rien d’inédit. En somme, la première moitié du disque se déroule sans surprise, c’est aérien et noisy à la fois, efficace mais pas rassasiant. Le groupe nous montre qu’il maîtrise ses outils, mais on attend qu’il dévoile sa puissance.

C’est avec Can’t Wait que l’on commence à dresser sérieusement l’oreille. Là on retrouve le caractère des trois bordelais qui côtoient les profondeurs, celles d’une bruyante innocence, et on savoure la transition avec Big Boy qui nous rappelle l’ingénuité signature de la voix de Clément, le guitariste et chanteur, sur Mr. BigYellowSun. Si l’on ne peut éviter un parallèle avec le shoegaze des 90s à ses belles heures, on accorde volontiers à Cosmopaark un beau traitement de cette recette familière, avec une production maturée et réfléchie qui parvient à nous délivrer de nouvelles saveurs. Backseat poursuit cette délicieuse ascension, avec une mélodie terriblement attractive, laissant le tout en suspension sans nous laisser le temps de redescendre. Le cœur en apesanteur sur Not Fixed, on attaque Try, ou peut-être est-ce lui qui s’empare de nous, avec une belle conclusion sur fond de guitares abrasives dont se délectent nos oreilles jusqu’à la dernière note du riff final.

And I can’t breathe enough, c’est peut-être l’album qui nous rappelle au souvenir des belles heures du shoegaze, sans qu’on n’en soit lassé. Il parvient à envoûter l’auditeur qui fera l’effort de surpasser un raccourci trop rapide avec des piliers parfois étouffants. Les bordelais de Cosmopaark démontrent là qu’ils ont de la réserve, et la suite s’annonce prometteuse.

Marion des Forts

Cosmopaark – and I can’t breathe enough
Label : Howlin’ Banana / Modulor
Date de parution : 20 janvier 2023