[Live Report] Cosse et Neighbours Burning Neighbours à la Maroquinerie (Paris) : défi relevé ?

On en connaît peu des groupes qui ont célébré la sortie de leur premier album sur la scène emblématique de la Maroquinerie, et c’est pourtant ce qu’ont fait Cosse hier soir : challenge de taille pour un groupe à l’ascension décidément fulgurante !

Cosse à la Maroquinerie © Nayl Badreddine
Cosse à la Maroquinerie © Nayl Badreddine

Jeune groupe certes, mais à l’assise déjà confortable sur scène ; Cosse ont toujours fait l’unanimité en live, écumant les petites salles et/ou les premières parties. Mais cette fois-ci, c’est en tête d’affiche de la Maroquinerie (!), pour la release party de leur premier album (!!) que les quatre Parisiens nous donnaient rendez-vous. L’enjeu était double car évidemment, le départ de la bassiste Lola Frichet était sur toutes les lèvres : l’empreinte qu’elle laisse sur It Turns Pale est sans conteste remarquable, alors qu’allait-il advenir de cet album en live, sans le charme de sa présence et de sa voix ?

Neighbours Burning Neighbours à la MaroquinerieCe sont les Néerlandais de Neighbours Burning Neighbours qui ouvrent la soirée. Ils sont des amis de Cosse, et les affinités s’avèrent aussi musicales entre les deux. Les quatre musiciens arrivent relativement discrètement sur scène, sans un mot, mais la vigueur de leur jeu confirme vite leur potentiel. On ne saurait pas dire, qui de la basse, au centre sur scène et décisive tout au long du set, ou de la batterie au kick ravageur, donne le plus de corps aux ascensions rythmiques menaçantes du groupe. Les deux guitaristes, ne sont pas en reste, et lorsque l’une claque des arpèges discordants, l’autre balance des harmonies explosives. Les deux femmes ponctuent le set de chants tantôt doucement dissonants, tantôt screamo, mais toujours porté par un timbre féminin allouant à l’ensemble une singulière densité sonore.

On ne relève pas tant de morceaux plus accrocheurs que d’autres, mais plutôt de longues digressions, qui embrayent sur des accords rêveurs pour monter en agressivité. C’est lorsqu’ils atteignent une certaine altitude que Neighbours Burning Neighbours dévoilent leur réelle puissance de frappe, et prouvent que, s’ils nous rappellent un peu Sonic Youth ou leurs confrères de Tramhaus, ils ont toutes les armes en main pour défendre leur propre bruit. Restés peu bavards, on n’en sait au final que peu sur eux, mais ils entretiennent un mystère que l’on élucidera volontiers à l’occasion d’un prochain passage en France.

Si on porte énormément d’affection à Cosse, n’oublions pas qu’ils n’ont à leur actif qu’un EP et un tout jeune album. Aussi bons soient-ils, l’effervescence autour du groupe doit encore croître, et c’est ce qui explique, au-delà du concert de Ditz à Petit Bain le même soir, une Maroquinerie peu remplie. Malgré tout, ils peuvent aussi se targuer d’avoir à leur suite un public fidèle qui les accueille chaleureusement sur scène.

On l’a dit, outre l’évidente pression de jouer dans une telle salle, le défi pour Cosse, c’était de ne pas décevoir après le départ de Lola Frichet, qui a quitté l’embarcation pour se consacrer à Pogo Car Crash Control et au mouvement More Women On Stage. C’est donc Benoît Quentin qui remplace la jeune femme aux fréquences basses, et il s’en charge à merveille. Le rock incisif du quatuor sonne toujours aussi bien, et ce dès les premières secondes déroutantes de Welcome Newcomers. Entre souffrance et délivrance, rage et rêverie, Cosse nous offrent un voyage intense au cœur de limbes sonores diablement maîtrisées.

Cosse à la Maroquinerie

L’avantage d’une discographie aussi courte que riche, c’est qu’il y a peu de chance qu’on écope de passages à vide en live. La setlist qu’ils ont élaborée pour l’occasion en est la preuve : chaque morceau se déploie avec fracas, et suscite aussi bien l’emportement que la contemplation. Et décidément, Cosse ont voulu mettre les petits plats dans les grands, car (première) surprise : leurs copains de Truckks débarquent sur Evening pour doubler la batterie et tripler les guitares. C’est une réussite, le titre gagne une densité folle, et on se jette à corps perdu dans le gouffre ouvert par la hargne de Nils Bö, dont la voix percutante devient définitivement signature du groupe. Les deux musiciens externes s’en vont à la fin du titre, mais reviendront sur The Ground, et on se resservira alors volontiers de ce magma sonore dévastateur.

Entre temps, aucune fausse note à déclarer et jouissance de mise sur les lignes déséquilibrées de Crazy Horse ou celles furieuses de Tangerine et son « There is no way OUT ! ». La première partie du set s’achève impeccablement sur It Turns Pale puis Sinner God, le tout sublimé par une qualité de son largement à la hauteur de la frappe du quatuor ce soir-là : chapeau-bas les ingés son.

Cosse à la MaroquinerieL’heure du rappel sonne rapidement, le chanteur, le guitariste, le batteur, et la bassiste reviennent sur la scène. LA bassiste ? Eh oui ! Le groupe, nous fait la surprise d’accueillir Lola Frichet pour un morceau, et pas n’importe lequel : Sun Forget Me, sa ligne de basse enivrante et ses chœurs déchirants. Evidemment, le public est ravi de retrouver la jeune femme aux côtés de ses trois anciens comparses, mais on ne se leurre pas : Cosse tracent désormais leur route sans Lola, et ils nous ont montré qu’ils en étaient amplement capables. C’est pourquoi on ne fait pas de cette intervention le point d’orgue du concert, car il serait bien dommage de river le regard en arrière avec un groupe qui ne fait qu’entamer son ascension.

Revenu au quatuor actuel, le groupe entame sa dernière ligne droite avec Seppuku, où chacun des musiciens se débride plus franchement, la pression diminuant certainement. Enfin, ils font le choix assumé de glisser subtilement sur Slow Divers pour clôturer leur performance. Pas un titre phare donc, mais une lente digression où oreilles et regards se perdent entre les riffs décadents de Felipe, les cymbales caressantes de Tim et le chant implorant de Nils.

Remplie ou pas, une Maroquinerie reste une Maroquinerie, et Cosse ont réalisé une grande performance ce soir-là, en montrant qu’ils maîtrisaient à la perfection leur premier album sur scène. On ne se fait aucun souci, ils n’en sont qu’à la genèse d’une belle et prometteuse aventure, et le compte à rebours est lancé avant qu’on écrive ici que cette Maroquinerie n’était qu’un ersatz de leurs prouesses.

Texte : Marion des Forts
Photos : Nayl Badreddine et Marion des Forts