Troller – Drain : électro-goth énorme et émouvant

Le groupe d’Austin revient après une longue absence avec un 3e album plus sage, mais tout aussi puissant et fort que les précédents. Troller nous propose toujours cette même musique électronique gothique et satanique, maintenant mâtinée (embellie) de guitares, et toujours portée par une voix magique et envoûtante.

Troller

Écouter un album de Troller, c’est faire plus que d’écouter de la musique. Ou alors, c’est précisément cela la musique, la « vraie », d’avoir cette capacité de nous embarquer dans une expérience assez unique, une expérience quasi-mystique, fantastique, folle. C’est ce qu’a fait Troller sur ses deux précédents albums, nous plongeant dans un maelstrom sonore tel qu’on ne peut qu’en ressortir assommé, ébahi, abasourdi, désorienté – surtout si on monte un peu le volume ! Une musique riche, complexe, des séries de couches qui s’empilent, se combinent, se mélangent. Des sons qui viennent de tous les côtés, qui se nichent dans tous les interstices. Il ne reste pas beaucoup d’espace pour respirer, pour penser. On vous le dit : une expérience mystique. Qui ne doit d’ailleurs pas qu’à la musique. La voix d’Amber Star-Goers joue un rôle primordial dans l’effet que les morceaux de Troller provoquent et dans les sensations qu’elle engendre. Entre chant et mélopée, incantation et lamentation. Elle émeut, réjouit, réconforte, effraie. Tour à tour démoniaque, satanique, incandescente, forte et puissante, ou subtile et raffinée. Voilà ce qu’est Troller… voilà ce que le groupe était sur ses deux précédents albums, Troller (2012) et Graphic (2016). Voici ce qu’il est sur Drain, on reste dans le même registre, passionnant, fascinant, addictif. Enorme.

Troller - DrainLe voyage commence avec les neuf minutes de Victims, en poussant les lourds vantaux d’une porte qui a l’air gigantesque. On entre dans une cathédrale, dans un monde, un univers, accompagnés de nappes qui sonnent comme les chœurs d’une armée de fantômes ou d’êtres fantastiques. Des tambours sonnent, pour accompagner nos pas, et nous faire frissonner encore plus. Le ton est donné, il fait froid, il fait sombre, il fait humide. Le son monte progressivement, des couches de guitares s’empilent (c’est la première fois que le groupe utilise des guitares), et la voix d’Amber Star-Goes commence son œuvre. Le rythme est lent, très lent, ce qui renforce le côté célébration satanique… Cela va encore durer presque tout l’album. En tout cas sur Into Dust qui nous plonge dans cette même noirceur gothique, ou sur Gore – les claviers, guitares et batterie (électronique), la voix (on dirait une sorcière tentatrice qui chante), tout fait de ce dernier morceau de l’album un pendant parfait du premier. On termine l’album comme on l’a commencé, dans le délire fusionnel.

Mais il y a des morceaux plus calmes, moins oppressants, presque légers. Comme Lust in Us, sur lequel Amber Star-Goes (encore, mais impossible de s’en détacher) est plus aérienne ; ou Out Back ou Rat Nest, un morceau extrêmement dépouillé, ou encore Lictor, avec ses clochettes qui introduisent le morceau (on se croirait dans une comptine asiatique) avant que la musique ne s’installe dans cette routine gothique qui est celle du groupe. Mais, là encore, l’ambiance n’est pas aussi pesante qu’elle peut l’être sur certains morceaux du groupe. Star-Goes chante presque (plus qu’elle ne déclame). Un morceau noir, mais qui sent la fin de la nuit, l’aube en train de pointer. Les ombres fondent dans la lumière qui arrive… Et, pour finir, ce qui est peut-être un des plus beaux morceaux de l’album, Drain. Un morceau presque pop, de pop gothique évidemment, quasiment vide comparé aux autres morceaux du groupe, avec des passages où la musique semble suspendue, d’une lenteur presque crispante, portée par une mélodie et un chant complètement obsédant, tristes, émouvants. Comme quoi, Troller peut largement se dépouiller et rester diablement fort.

Alain Marciano

Troller – Drain
Label : Relapse records
Parution : 26 mai 2023