Daniel Rossen, l’homme derrière Grizzly Bear, a sorti l’année dernière You Belong There, son premier album en solo. Aussi exigeant que fascinant, ce disque témoigne de sa remarquable inventivité, et l’album live qui en découle aujourd’hui confirme la singularité de son jeu de guitare.
La musique de Daniel Rossen est complexe, mais n’a besoin que de sa voix et de ses guitares acoustiques pour s’épanouir sur scène, et cet album live restitue à merveille l’ambiance intime et touchante de chacune de ses performances. Flirtant avec le jeu d’un Elliott Smith, le dépassant même, l’artiste épure ses morceaux du peu d’artifices qu’ils possédaient alors, pour en délivrer une interprétation dépouillée en apparence, mais forte de lignes tortueuses et bien personnelles.
Daniel Rossen immortalise ici quelques-uns des meilleurs titres de son album, à commencer par Unpeopled Space où découle une cascade d’arpèges imprévisibles et empreints d’accents de flamenco. Douceur et tension s’associent, s’apprivoisent et se complètent pour offrir un moment en suspens aux spectateurs rassemblés devant lui, dans un effort consenti de proximité.
Si les percussions de Christopher Bear, batteur de Grizzly Bear avec qui Daniel Rossen a d’ailleurs composé la récente bande originale du film Past Lives, confèrent à l’album original une consistance indéniable, elles ne font pas défaut au jeu solitaire de l’artiste sur scène. Mieux, ses guitares emplissent l’espace avec une puissance remarquable, de celles pour qui les silences en disent autant que les notes, et sa voix s’épanouit à merveille sur des airs mélancoliques travaillés. Ainsi s’étend Repeat the Pattern, dont les lignes sophistiquées deviennent encore plus percutantes dans les seules mains du guitariste.
Rossen ne se contente pas d’interpréter les seuls titres savoureux de You Belong There, il y mêle certains titres de son EP sorti en 2012, parmi lesquels figurent Silent Song ou encore Saint Nothing, seul morceau ici où l’homme quitte sa guitare pour son piano et nous offre une ballade où le dénuement règne en maître-mot.
Phantom Other est quant à lui un titre tiré du répertoire de Department of Eagles, duo au sein duquel évoluait Daniel Rossen dans les années 2000. Un tel emprunt vient confirmer que ce projet solo constitue finalement un formidable retour aux sources et à ses premières armes. Enfin, et c’est peut-être là que réside la plus belle surprise sur cet album, il choisit de réinterpréter deux titres, dont l’un de Townes Van Zandt, Kathleen, où la guitare de Rossen surenchérit avec vigueur sur les cordes mélancoliques de la version originale.
Chacun de ses titres affiche une simplicité feinte, où aucune de ses mélodies n’est véritablement accessible, si ce n’est en se laissant aller à la contemplation, et c’est là le privilège des spectateurs de Daniel Rossen qui ont eu l’occasion de partager l’intimité d’un de ses concerts, et de goûter à la musique folk sous la plus belle de ses formes.
Marion des Forts