Terrible déception hier soir dans une Accor Arena bourrée de fans de la « fée islandaise » : nous avons eu droit à un spectacle froid et sans âme, sans que rien n’ait réellement été transmis entre l’artiste à la voix magique et son public.
Avec 35 degrés à 19 heures, l’Accor Arena – avec sa climatisation – est un havre bienvenu, et les cris d’oiseaux et les bruissements nocturnes de la nature diffusés sur la sono nous mettent encore plus à l’aise, parfaitement relaxés pour ce qu’on anticipe être un spectacle exceptionnel. En attendant l’arrivée de la fée islandaise (cliché, mais qu’importe !), on se remémore avec tendresse la première apparition sur scène de Björk Guðmundsdóttir, fascinante petite étoile au sein des bruyants Sugarcubes. On était en 1989… Que de chemin parcouru depuis, et quelle singularité !
20h 30 : le spectacle commence, et on utilise ce terme car c’est bien plus de cela qu’il s’agit, que d’un « simple » concert. Une mise en scène raffinée d’images chatoyantes, colorées, lumineuses, représentant et mettant en scène un univers onirique, ou plutôt rêvé, post-humain, où plantes, animaux et entités indiscernables en mutation perpétuelle (et accélérée), au milieu desquels apparaît la magicienne Björk, se dissolvent et réapparaissent encore et encore dans le maëlstrom. Les images sont projetées en fond de scène, mais aussi sur des voiles / écrans s’ouvrant et se fermant régulièrement, derrière lesquels jouent les musiciens et chante Björk, une bonne moitié du temps – qui nous a paru beaucoup plus… Les problèmes de cette approche du show sont vite évidents : les voiles créent une coupure, une barrière entre les artistes et le public, qui empêche largement que se crée ce fameux sentiment de communion au cœur de tout concert réussi. Et pour les spectateurs placés sur le côté des gradins, y compris ceux qui ont payé le prix fort pour avoir accès au « Carré Or », ni les projections en fond de scène, ni les musiciens ne seront visibles la plupart du temps. Frustrant…
Et quand la diva post-moderne est enfin visible aux yeux de tout le monde, s’avançant de temps en temps sur une plate-forme ronde au milieu des premiers rangs de la fosse (le public qui a payé les places les plus chères !), elle reste quasiment invisible derrière le costume monstrueux qui l’enveloppe. On nous dira que nous cherchons tous les motifs pour nous plaindre, mais le costume du set parisien est bien moins enchanteur que ceux qu’elle a arboré à Madrid ou à Lisbonne les jours précédents : lourd, terne, il « engonce » la chanteuse et semble la ralentir, la clouer au sol. Björk peut chanter – et on sait combien elle chante bien, rien n’a changé, cette voix surhumaine, perçante, à la limite de l’agression – mais elle ne peut pas vraiment bouger, danser, et encore moins communiquer avec le public.
La setlist est composée en majorité de titres de l’album Utopia, auquel sont ajoutés quelques morceaux de fossora, paru l’année dernière. Et puis on a droit, comme une sorte de bonus pour récompenser notre patience, à des chansons plus anciennes, pas toujours jouées dans leur intégralité d’ailleurs… Les musiques sont interprétées par un groupe de 7 flûtistes, une harpiste et un multi instrumentiste (qui jouera même des calebasses emplies d’eau !) : elle impressionne par son originalité, mais déploie – paradoxalement – très peu de cette « Beauté » supérieure que Björk convoque avec l’autorité qu’on lui connaît. Les ambiances sont souvent similaires, et peu de morceaux – dont on sait que la majorité est « a-mélodique » et arythmique – se distinguent du lot. On regrettera aussi qu’il y ait eu trop peu d’instants a capella, ou même simplement épurés, qui sont pourtant ceux où le chant de Björk peut opérer pleinement sa magie. A l’opposé du spectre, Björk nous offrira beaucoup trop peu de titres puissants (à l’image d’Atopos), à même d’enflammer réellement un Bercy qui sombre peu à peu dans la torpeur. On reconnaît çà et là quelques phrases, quelques fragments connus – Venus as a Boy soulève des applaudissements – mais ils semblent vite engloutis dans un océan musical finalement assez inhospitalier. Pas assez de beats, pas assez d’électronique, mais surtout pas assez de vigueur, d’enthousiasme, de passion…
Au bout d’une heure dix durant laquelle personne ne s’est levé de son siège, c’est presque un soulagement quand Björk s’adresse enfin à nous pour nous dire, en français, « merci Paris ! ». On a mal au postérieur d’être restés assis aussi longtemps, mais surtout mal au cœur de n’avoir pas pu vibrer sur sa musique.
Une vidéo de Greta Thunberg, enflammée, appelant à la révolte individuelle contre l’inaction des politiques contre le changement climatique, permet à Björk d’aller changer de costume pour le rappel, mais sonne faux dans une Accor Arena remplie de Parisiens (dont nous sommes, dont nous sommes…) qui ont les moyens de payer jusqu’à 150 euros pour être là à assister à un spectacle multimédia qui ne doit pas être particulièrement neutre en termes d’empreinte carbone.
Björk revient, encore plus cachée derrière une explosion de pétales blancs qui, heureusement, lui permettent quand même de se remuer un peu plus. Pour Notget, qui clôturera les 90 minutes du spectacle, elle nous encourage à danser, mais encore faudrait-il qu’il y ait un rythme, un beat sur lequel nous agiter !?
Il reste que cette dernière chanson aura été la seule qui se sera rapprochée d’une expérience « live » : ce beau mot de musique vivante dont il semble que Björk ait définitivement égaré le sens derrière tous les concepts ambitieux qu’elle déballe.
On sent l’atmosphère de profonde déception dans les conversations des fans qui quittent l’arène, et on se remémorera les avertissements d’une fan absolue de Björk qui nous avait prévenus qu’elle passerait le concert à nous casser les oreilles en chantant sur toutes les chansons : elle n’a pas ouvert la bouche pendant une heure et demie.
Texte : Eric Debarnot
Photos : Copyright Björk (les photos étaient « déconseillées » par Björk, mais des photos de la soirée ont été mise en ligne dans la nuit, à disposition de tous…)
bonjour
votre article reflète malheureusement la dure réalité de cette soirée vraiment tres décevante
effectivement impossible de voir une grande majorité de la scène de la place « carré or » soi disant ou nous nous trouvions
zéro pointé à l accord aréna pour oser vendre des places comme celles là
heureusement qu il reste la voix incomparable de l artiste
Des provinciaux frustrés
Nous ne sommes pas du tout d’accord avec votre article. Il semblerait que nous n’ayons pas vu la même performance !
Elle nous a beaucoup touché.e.s et son spectacle est très profond.
La beauté et l’intérêt de l’Art vient justement que la même oeuvre sera vécue, ressentie de manière différente par chacun. Le fait que nous n’ayons pas aimé un concert, pour des raisons que nous tentons d’expliquer le plus clairement possible, n’est pas contradictoire avec le fait que nombre de spectateurs présents aient eu un ressenti inverse. Et c’est tant mieux !
c’est exactement mon ressenti.
Une voix magnifique mais qui ne m’a pas transporté.
une musique trop alambiquée pour cette grande salle.
Pas d’ambiance.
Et on ne peut même pas dire » heureusement qu’il y avait la première partie ! »
Enfin pour ma part: C’est du gâchis et une déception.
Merci pour cet article fidèle au sentiment de déception qui nous a envahie dès le début du concert sans jamais nous quitter. J’avoue ne pas comprendre les articles dithyrambiques lus ça et là.
quelle déception également, en payant 73€ nous n’avons rien vu, 0 magie, 0 vibration, 0 communion, c’était froid et parfois même cacophonique, c’est la première fois que je n’applaudis à aucun titre, moi qui ai découvert l’elfe avec les Sugarcubes, qui l’ai suivi jusqu’à Vespertine, je crois pouvoir dire que je suis sorti en colère de Bercy ..
Totalement d’accord avec le sujet des places « Prestige » (au dessus même du carré Or), a 160€, qui passent mal quand on est relégués sur un côté de scène, même pas orientés vers celle ci, et à moins d’1m d’un mur d’enceintes dignes d’un technival.
Y a t il eu un problème technique à l’Accor Arena pour avoir posé ce dispositif roulant en lieu et place des enceintes suspendues habituelles?
Toujours été il qu’entre la non visibilité et le son assourdissant oui le spectacle a été gâché.
Merci pour cet article, très fidèle à notre ressenti, effectivement présente en famille j’espérais un spectacle mémorable de cette artiste aux multiples facettes dont j’étais fan et que j’avais enfin la chance de voir en concert. La voix et l’énergie y étaient mais effectivement sur les gradins nous n’avons finalement pas vu pleinement le show ni l’artiste, un enchaînement assez plat de chansons et un auditoire peu emballé. Nous avons failli partir avant la fin de ce pourtant très court concert et avons effectivement presque été soulagés au brusque retour des lumières. Nous venions de loin (avec l’impact carbone que cela suppose…) et sommes repartis avec cette sensation d’avoir perdu notre temps.
Completement d’accord avec vous
À 47 ans, c’est bien la première fois de ma vie que je regrette – et assez rapidement après les trois ou quatre premiers morceaux – les sous mis dans une place de concert (pas loin de 300 balles, nous voulions y aller avec un de nos enfants, je suis même carrément en colère d’avoir gâché cette somme).
Sans être des fans absolus, on avait quand même beaucoup apprécié un paquet de ses albums, on l’avait déjà vue en concert, on aime encore sa voix, son univers… j’en suis sortie frustrée et déçue.
Et puis… Greta Thunberg a raison sur quasiment toute la ligne pour moi, je n’ai rien à redire, au contraire, mais s’entendre dire au milieu d’un concert : « vous qui pourrissez le futur de vos enfants, vous nous sacrifiez ; allez, profitez bien de votre soirée »… euh, comment dire ?