[Interview] The Silencers : de Glasgow à Plouharnel, en passant par Londres et Rennes…

A l’occasion du retour des Silencers, avec un nouvel album et sur nos scènes, nous avons pu rencontrer Jimmy O’Neil, dont l’enthousiasme et la passion pour la musique sont inchangés. Et il est revenu pour Benzine sur le trajet qui l’a amené à Silent Highway.

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Photo © 2023 Philip Ducap

Benzine : Où est-ce que tu as appris à parler français aussi bien, Jimmy ?

Jimmy : J’ai appris le français à l’école, j’avais un bon accent, parce que j’étais né avec le « R » français, il m’avait fallu même aller à l’orthophoniste pour corriger ça quand je parlais en anglais ! (rire). Ensuite, avec le succès des Silencers en France, j’ai fait beaucoup de tournées ici, et j’étais attiré par le côté romantique de la langue. Mais en plus, je suis devenu récemment français à cause du Brexit, avec mon fils.

Benzine : Quand on pense aux Silencers, la première chose qui vient à l’esprit, c’est l’Ecosse, Glasgow

Jimmy : Je viens de Glasgow, une ville « fucking real !’, une ville industrielle, avec un humour fantastique et beaucoup de musique. Une ville dure, le Chicago du Royaume Uni. Les groupes de mon époque étaient issus de la classe ouvrière, très engagés à gauche, mais nous voulions être connus : Simple Minds, Annie Lennox, Deacon Blue… L’Ecosse est un pays celte, avec des racines irlandaises, ce qui fait que « l’oreille irlandaise » est présente naturellement chez nous. Si vous prenez la musique des USA, c’est la musique qui a été suivie par l’Ecosse, bien plus que la musique anglaise, avec l’exception des Beatles et des Stones bien sûr : la plupart des artistes écossais étaient plus intéressés par Dylan, Joni Mitchell, les Byrds, parce que le folk américain vient de la musique celte. Johnny Cash, Presley – un nom écossais – ont des racines écossaises. Les colons européens ont amené leurs musiques avec eux, et cette musique s’est croisée avec la musique des Noirs, les musiciens échangeaient entre eux. Chuck Berry s’est inspiré du rythme des danses celtes, il voulait jouer le Blues plus vite, on retrouve ce rythme dans son premier titre, Maybeline. Une musique hybride qui s’est formée à partir de ces échanges…

Benzine : Le dernier album des Silencers date d’un moment…

Jimmy : Come date plus en moins de 20 ans. Je suis venu en France, nous avons publié Come, puis un album solo, Real. On a continué à faire des concerts, mais je ne recherchais plus un contrat avec une maison de disques, je voulais une vie facile, tranquille. J’ai fait les festivals, et j’ai commencé un autre projet, rockabilly et country avec un ami contrebassiste et un siffleur : l’idée était de s’amuser et de jouer en concert sans avoir besoin d’un budget important. J’ai fait des collaborations avec d’autres artistes, comme Cali, qui était fan des Silencers. J’ai été dans un groupe, Celtic Social Club, avec qui j’ai fait deux albums. Et puis j’ai réalisé que Silencers, ça marchait encore, qu’il y avait une nouvelle génération de jeunes intéressés par les années 80… mais la barre était très haute pour faire un nouvel album. Et en plus je fais tout moi-même…

Benzine : C’est quoi, exactement, un « album des Silencers » par rapport au reste de ce que tu fais ?

Jimmy : La formule des Silencers, qu’on entend sur les deux premiers albums, je l’ai créée moi-même, avant même que le groupe soit formé. Ça a été la plus grande réussite de ma vie, avec Painted Moon et ces deux albums. Au moment du troisième album, j’ai tout fait moi-même, et c’est un énorme travail : les mélodies me viennent facilement, mais les textes représentent beaucoup de travail, et puis j’écris beaucoup de chansons, toujours, pour pouvoir sélectionner les meilleures. J’ai un haut niveau d’exigence pour les Silencers

Silencers Philip Ducap 5Benzine : aujourd’hui, le groupe est quasi-familial…

Jimmy : Oui, j’ai deux fils et ma fille dans le groupe maintenant, ce qui a rajeuni The Silencers. Mes enfants ont grandi, ils ont toujours fait de la musique en famille, comme moi avec mes parents que j’accompagnaient à la guitare quand on chantait des chansons folks écossaises tous ensemble. Mes deux parents étaient professeurs, mais avaient joué un peu de piano, et ils avaient de très belles voix.

Benzine : cet album, c’est un nouveau départ ?

Jimmy : C’est dans la continuation des autres. J’ai réalisé en le faisant que, alors que j’habitais à Rennes – maintenant on habite à Plouharnel – de nombreux jeunes groupes étaient influencées par les eighties. J’étais à l’école de mon fils, Shane, et un parent est venu me demander de lui signer une copie de mon premier album, A Letter from St Paul. Et quand je lui ai posé la question sur ce qu’il pensait de l’album, il m’a dit : « Je trouve ça très actuel ! ». Ça m’a inspiré, j’ai donc repris le premier album comme un modèle, sans le copier, en ajoutant des choses d’aujourd’hui. J’avais écouté les Black Keys que j’aimais bien – même si en concert, il n’y a pas trop de show ! -, et je suis le même principe, je pars du Blues que j’adore, et je l’interprète dans l’esprit actuel. Painted Moon était aussi basé sur des références blues, et j’ai voulu faire la même chose sur le nouvel album, Whistleblower, qui est le petit frère, ou peut-être le grand frère de Painted Moon, on ne sait pas encore (rire…) !

Benzine : Comment s’est fait cet album ?

Jimmy : En fait, ces dernières années, j’ai été très actif, mais ce n’était pas médiatisé, c’est la grosse différence. Le Covid a arrêté beaucoup de choses : pour moi, je devais aller à Glasgow pour enregistrer un album, et on a été obligé de le faire à distance. C’est Baptiste Brondy, tu sais, du projet Delgres, qui l’a donné un coup de main : on était amis d’abord, on est nés tous les deux nés le 3 avril, donc béliers, mais aussi gauchers qui jouent en droitiers. Quand on bosse ensemble, il y a comme de la télépathie, il comprend immédiatement ce que je veux faire, et en plus il était fan de certaines chansons des Silencers

Benzine : Tout s’est donc fait naturellement…

Jimmy : Oui, quand je pense à la musique, c’est l’aventure, c’est comme cuisiner, un soupçon de ci, un soupçon de ça. Un peu de peu de folk, un peu de blues, un peu de funk – j’ai joué dans un groupe de funk, qui m’a enseigné beaucoup de choses, je jouais de la Telecaster ! Avant, j’ai joué dans le métro des chansons de Woody Guthrie, j’ai eu un groupe de rock progressif – mais c’était mauvais, on n’a pas fait un seul concert (rires)

Benzine : Vous serez à la Maroquinerie le 13 octobre, pour la release party de l’album…

Jimmy : Oui, mais il y aura d’autres concerts, à Paris aussi, encore. On a signé cette fois avec des gens basés à Paris, ce qui est important et facilite les choses.

Benzine : La France reste un pays très centralisé…

Jimmy : C’est la même chose en Grande-Bretagne, il faut être à Londres, c’est à Londres que j’ai commencé réellement à faire de la musique quand j’étais jeune. Ceci dit, aujourd’hui, tu peux faire beaucoup de concerts en Bretagne, et exister réellement en Bretagne !

Propos recueillis par Eric Debarnot le 19 septembre 2023

Silent Highway, le nouvel album de The Silencers sort le vendredi 13 octobre 2023, jour même de la Release Party à la Maroquinerie (Paris)