[Live Report] PiL à la Laiterie (Strasbourg) : en mode warrior

John Lydon et son PiL méritaient bien un second live report sur Benzine : voici donc le compte-rendu du concert de Strasbourg, où Lydon n’a pas failli non plus à sa réputation et s’est montré généreux en revisitant son répertoire garni de vieux tubes.

PIL LYDon Groupe
PiL à la Laiterie – Photo : Mathieu Marmillot

Il doit être approximativement 22h30, et la grande salle de la Laiterie affiche presque complet ce mardi 31 octobre 2023. Un déluge d’applaudissements met un terme au concert de Public Image Limited. Au chant, John Lydon (ex-Johnny Rotten) est heureux, après avoir entamé un striptease, dévoilant son embonpoint et sa magnifique ceinture fluo ergonomique. Le bougre n’est plus tout jeune mais reste espiègle. Affublé d’une crête en pétard, le visage dégoulinant de maquillage blanc et engoncé dans un long manteau XXL assorti au pantalon, l’ex-chanteur des Sex Pistols explique tranquillement que c’est la dernière date d’une longue tournée européenne commencée début septembre : « C’était éprouvant pour nous mais grâce à vous, nous avons tenu. Nous sommes tous les derniers résistants ». Salutations et remerciements répétés, John Lydon tombe le masque clownesque – on célèbre Halloween ce soir- pour laisser transparaître une prude sensibilité.

Son fidèle compagnon John Rambo Stevens n’est pas loin. Il surveille, filme et danse grâce aux deux retours-son installés devant lui.

Lydon StgJohn Lydon peut désormais compter sur des musiciens apaisés. Le guitariste Lu Edmonds, à la tête de lutin sous trip, assure parfaitement son rôle d’électron expérimental. Contrairement à Keith Levene, disparu en 2022 et musicien originel du groupe, Edmonds retombe toujours sur ses pattes en faisant attention de bien rester dans la tonalité des titres. L’ancien membre des Mekons, Damned ou Shriekback utilise, avec la même aisance, un bouzouki au son trafiqué ou une pléthore de guitares électriques. Le batteur Bruce Smith maitrise ses toms et tambours avec un groove redoutable. Pas surprenant pour celui qui a joué dans des formation P-funk 80’s comme The Pop Group, Slits ou Rip Rig + Panic. Point commun entre le guitariste et le batteur ? Ils jouent dans PiL depuis 1986. Sur scène, on remarque vite le chef d’orchestre : le bassiste et producteur Scott Firth a rejoint le groupe en 2009 après avoir fait des piges chez Björk et chez les Spice Girl. Par ses regards, il guide discrètement les autres musiciens tout en surveillant les ordinateurs et claviers sur scène. Difficile de succéder au bassiste originel Jah Wooble, qui avait su développer un son de basse particulièrement énorme, Firth fait le job en restant minimaliste et métronomique. Quant à la voix du chanteur de PiL, elle reste vaillante mais est désormais éraillée par des années de tabagisme et peine à aller chatouiller les aigus.

PIL LYdonDes seize titres joués, on retiendra les quatre de l’album culte Metal Box (1979). Les superbes versions de Poptones et Albatross laissent libre court au chant disjoncté de John Lydon. Télescopage world-noise-dub en compétition avec une scie circulaire. Death Disco et Memories surenchérissent dans la transe d’asile. La gorge profonde de John Lydon répand des sonorités insondables et roule les rrr comme personne. Hypnotique, le sombre Flowers Of Romance (1981) allie rythmes tribaux et bouzouki joué à l’archet qu’un muezzin cantille sans retenue.  Du dernier album End Of World (2023), les effluves de sons électroniques s’offrent aux rythmes discoïdes et Being Stupid Again s’en sort particulièrement bien. Ce qui est loin d’être le cas de Body (1987), This Is Not A Love Song (1983) et Warrior (1989), bien exécutés mais flingués par le timbre graveleux de la voix vite gommé par le magnétisme légendaire du chanteur.

Après un dernier titre Shoom (2015) qui libère les fuck off et bollocks dans la salle, le rappel est à la hauteur. Gargarisé au whisky japonais qu’il recrache aussitôt, la tessiture de Lydon retrouve son éclat.  Public Image, leur premier single paru en 1978, reste toujours un grand moment de post punk, basse en avant. La version d’Open Up (1993), initialement signé par le duo techno Leftfield, est revisité en version rock. John Lydon y assène des Burn Hollywood burn incendiaires. Rise (1985), titre emblématique de PIL est admirablement interprété et repris en chœur avec un Lydon aux anges, La voix retrouve son éclat et balance des rageux « Anger is an energy ». La banderole du groupe le rappelle avec son retentissant F**k Disney.

Texte et photos : Mathieu Marmillot