Lewsberg – Out And About : Dutch Velvet Giants

Le groupe de Rotterdam, Lewsberg, héritier du Velvet et des Young Marble Giants, livre un 4e album aux 11 titres aboutis. Ces quakers de l’indie rock nous ramènent à l’intégrité et l’élégance des Go-Betweens et autres Feelies.

Lewsberg
© Tommy Ventevogel

S’il est désormais de bon ton pour certains jeunes groupes d’exhumer des références moisies des 70’s en glorifiant le prog rock ou en « digguant » des vinyles ringards proclamés comme de soi-disant chefs d’œuvre injustement oubliés, Lewsberg, à l’opposé, mets ses pas dans ceux des groupes indie-rock des 80’s, 90’s, influencés principalement par le Velvet Underground, la contre-culture des 70’s et qui conchiaient le music business des majors de l’époque, bref ils cochent toutes les cases.  Fidèles à cette intégrité, Out and about, 4ème LP de Lewsberg est auto-édité, un mode de promotion qui n’empêche pas une réputation à l’internationale, leur 1er LP me fut conseillé par mon disquaire tokyoïte il y a 5 ans, big in Japan !

Lewsberg – Out And AboutA l’instar des Soft Machine, The Fall ou des titres Killing an Arab ou A’rebourg des Cure et de Pete Doherty, Lewsberg assume ses penchants littéraires : leur nom est une référence à l’écrivain néerlandais Robert Loesberg (1944-1990) totalement méconnu chez nous – osons le dire – car non traduit.

Lewsberg, vu à Bordeaux dans un très beau set au Blonde Venus en décembre 2023, est constitué de 4 membres : Arie Van Vliet, le chanteur, guitariste et violoniste (bon nom ne saurait mentir) semble sortir du tableau American Gothic de Grant Wood, le guitariste Michiel Klein pratique des anti-solos simples, noisy-soft et entêtants non sans se départir d’un certain mutisme psychopathe (la classe bref), Shalita Dietrich au chant, à la basse ainsi que Marrit Meinema au chant et à la batterie (Maureen Tucker sort de ce corps !) amènent le groove, la douceur et une certaine gaité à l’ensemble austère. Elles nous rappellent évidemment les séminaux Young Marble Giants.

Out and About est un LP qui propose 11 titres dont aucun n’est à jeter et c’est assez rare dans nos discothèques pour le signaler. Le premier morceau Angle of Reflection nous convie à une cérémonie, un harmonium (?), la voix diaphane de Shalita Dietrich laquelle répond à Arie Van Vliet, des propos hermétiques dont surgissent « you don’t read, you just turn pages ». Contrepoint immédiat le sautillant Without a doubt et ses solos de guitare aigrelets genre Week-End et l’album La Variété.

Avec An ear to the chest on revient aux affaires sérieuses (de plus cela raconte une visite chez le toubib…), Arie Van Vliet reprend son phrasé-chanté – plus loureedien tu meurs – une frappe douce mais lourde à la batterie et toujours cette merveilleuse guitare qui hypnotise. Communion conclue la première face de la messe avec le refrain « Bless the lord, my soul, Bless his vision, and his voice » et toujours cette émotion qui vous empoigne, comme Nico qui jouait dans les églises, Lewsberg mérite des audiences attentives tant la musique qu’il propose ne s’écoute pas à plein volume et en dépit des dissonances dispensées par Micheil Klein. Shalita me dira à la fin du concert qu’ils n’avaient pas apprécié leur concert donné à la Boule Noire à Paris car ils entendaient le public parler…

Canines qui ouvre la seconde face n’est pas sans rappeler Florence Shaw de Dry Cleaning qui a aussi écrit une chanson absconse sur les chiens.  Voilà une belle affiche à promouvoir pour des concerts à venir.

Out for milk (il n’est pas question de chat mais ne me demandez pas de quoi cela parle) reprend la veine lou-reedienne matiné de Feelies, c’est encore excellent et toujours cette foutue guitare !

Debbie qui clôt le trop court Out and About est sans doute le plus beau morceau du disque, Arie Van Vliet vous étreint dans une indicible émotion, le thème de la chanson s’y prête « Slip out of the bed And out of this room The reasons she has To get out of this room ».

Certains pourrons prétendre que ce groupe est trop référencé (comme cette chronique d’ailleurs), que les influences sont trop lisibles, que le dandysme rock n’a jamais fait un bon groupe et ils auront tort. Lewsberg n’est pas un vulgaire tribute band, ils sont singuliers, comment pourrions-nous leur reprocher d’écrire des morceaux dont la qualité démontre qu’ils auraient pu être composés et interprétés par VU, YMG ou par The Feelies ? Last but not the least, l’élégance de leur prestation scénique est remarquable. Espérons que des bonnes fées vont enfin se pencher sur cet excellent groupe. Assurément le disque de l’année 2023 !

Eric ATTIC

Lewsberg – Out and About
Label : Cargo / Kuroneko
Date de sortie : 15 septembre 2023