[Live Report] IDLES au Studio 104 (Paris) : « No god, no king / I said love is the fing » ?

IDLES étaient hier soir au Studio 104 pour présenter sept titres de TANGK, leur nouvel album qui sort dans deux semaines, et nous étions tous passablement excités en pénétrant dans la belle salle de la Maison de la Radio : à tort ?

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IDLES au Studio 104 – Photo : Eric Debarnot

L’idée de voir IDLES jouer en avant-première des morceaux de son nouvel album pas encore sorti au Studio 104 paraissait assez improbable – même si l’on se souvient avec affection d’un beau concert de Fontaines DC dans ce même endroit en pleine période COVID ! – pour que cette annonce ait créé la semaine dernière une vague d’effervescence chez les nombreux fans du groupe de Bristol. Et la jolie salle de la vénérable Maison de la Radio est remplie du sol au plafond par un public turbulent lorsque Michka Assayas annonce l’entrée du groupe, à 21h04, en nous expliquant ce que tout le premier rang avait déjà vu sur la setlist posée sur la scène, c’est-à-dire que le groupe allait nous interpréter sept morceaux de TANGK, prévu pour le 16 février. Sept morceaux sur dix exactement, les trois « vieilleries » étant un titre de Brutalism (1049 Gotho) et deux de Crawler (The Wheel et Car Crash)…

2024 02 02 IDLES Studio 104La sortie des singles Dancer, Grace et Gift Horse nous a bien sûr donné un avant-goût de l’album, s’éloignant clairement du punk rock originel du groupe, et tout le monde est excité à l’idée de voir ce que ça va donner sur scène… Le démarrage du set en forme de récitation « slowburn » par Joe Talbot, sur quelques notes éparses de piano, ne tranche pas en fait avec les introductions rituelles des concerts du groupe, et en moins d’une minute, toute la salle est debout, tétanisée par l’attente de l’explosion qui ne saurait manquer de survenir… Sauf que… non. On enchaîne directement par Gift Horse, que l’on connaît, et qui… manque curieusement de puissance dans ses brèves déflagrations qui faisaient pourtant leur effet « sur disque ». Joe Talbot, vu de près, semble à la fois fatigué – alors que la tournée n’a pas commencé – et curieusement détaché. Il nous observe avec attention, sympathie bien sûr, mais ne montre aucune excitation durant l’interprétation de ces nouvelles chansons, semble ne pas savoir quoi faire face à nous… Bizarre…

Les deux titres suivants (POP POP POP et A Gospel), inédits pour nous, sont loin d’être convaincants, et si l’on voulait être provocateurs, mais également honnêtes, ne génèrent qu’une vague curiosité… ou plutôt ne généreraient qu’une vague curiosité si le niveau d’énergie dans la salle ne restait pas aussi élevé : chose impensable, nous voilà donc à un concert de IDLES où l’excitation ne vient pas du groupe, mais du public, et n’est pas relayée par les musiciens qui, en dépit du jeu de scène toujours spectaculaire des deux guitaristes qui ne tiennent comme d’habitude pas en place, semblent comme mentalement paralysés… Est-ce devant la complexité de l’interprétation en live de titres pas encore maîtrisés, et qui semblent nécessiter un changement d’instrument (des guitares, mais aussi de la basse) A CHAQUE MORCEAU !? Est-ce la configuration et l’atmosphère de ce petit théâtre sage qu’est le Studio 104 ? On ne ressent en tout cas pas grand-chose de la force scénique habituelle du groupe…

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Car le pire, c’est que l’enchaînement des trois titres anciens ne change pas forcément profondément les choses : voir un jour un morceau aussi extraordinaire que 1049 Gotho interprété par IDLES sans que nous chavirions dans l’extase était de l’ordre de l’inconcevable… mais il faut admettre que c’est la ferveur du public, qui chante toutes les paroles, magnifiques (« My friend is so depressed / He wishes he was dead / I swam inside his head / And this is what he said / Help me !!! » – Mon ami est tellement déprimé / Il souhaiterait être mort / Je suis entré dans sa tête / Et voici ce qu’il a dit / Aide-moi !!!) qui fait tenir la chanson…

Les deux extraits de Crawler ne changent pas la donne, et on se résigne à voir la fin du set arriver. Ni Hall & Oates, ni Gratitude n’ont rien de mémorable a priori, si ce n’est le titre amusant de la première, et le final chanté doux de Grace, célébration de l’amour qui passait bien en version studio (avec son joli « No god, no king / I said love is the fing ») manque toujours autant de conviction.

2024 02 02 IDLES Studio 104Et c’est fini ! 45 minutes seulement, et IDLES quittent la scène alors qu’il reste près de 10 minutes encore avant que la diffusion radio se termine. Décevant pour nous, inacceptable pour France Inter qui risque de se retrouver avec dix minutes de blanc sur ses ondes ! Assayas court derrière Talbot pour l’arrêter et lui demander de revenir jouer un rappel. « An ENCORE ? We never play ENCOREs, we hate ENCOREs ! » est la réponse qu’il reçoit, mais Talbot se laisse convaincre, conscient sans doute de nos hurlements (… de frustration). Il nous offre alors le choix : « Dancer or Mother ? ». Sans surprise, c’est Mother qui l’emporte à l’applaudimètre, ce qui nous vaudra au moins cinq minutes de plaisir simple, à brailler tous à pleins poumons : « Mother… Fucker ! ». C’est – évidemment – magique, mais on a encore l’impression que cette magie vient de nous plus que du groupe… qui nous abandonne donc avec un sentiment très, très mitigé.

Avons-nous assisté au début de la fin d’un groupe naguère immense, qui a perdu le sens de sa musique, ou bien était-ce simplement l’une de ces mauvaises soirées où rien ne fonctionne vraiment ? Nous serons bien entendu au Zénith le 7 mars pour avoir la réponse à cette douloureuse question, en priant pour que ce concert raté ne soit rien d’autre qu’un concert raté.

Texte et photos : Eric Debarnot