[Canal+] « Dexter : les origines » : délicieuse madeleine proustienne

En regardant ce Dexter : les origines, qui explore les débuts de notre sérial killer préféré des années 2000, et en y prenant beaucoup de plaisir, on réalise à quelle point la « recette Dexter » était savoureuse…

Dexter les origines
Christian Slater, Patrick Gibson – Copyright Showtime

Quand on évoque les grandes séries de « l’âge d’or » du genre, au tournant entre le XXème et le XXème siècle, et dans les années 2000, on parle bien entendu des Sopranos, de The Wire, souvent de Six Feet Under, Lost, ou dans le domaine des plaisirs plus coupables, de Desperate Housewives ou The Shield, par exemple. Mais on mentionne rarement Dexter, la série – pourtant extrêmement populaire – sur un serial killer travaillant pour la police, et « tuant des tueurs » afin de respecter le « code » que son père, flic lui aussi, lui a inculqué, comme un pis aller l’autorisant à se laisser aller à ses penchants coupables. Dexter fut un succès grâce à un dosage bien pensé entre thriller, comédie et… gore. Mieux encore, Dexter fut l’une des rares séries dont l’intérêt ne fléchit pas au fil des saisons, jusqu’à un final malgré tout décevant. Une tentative de relance avec Dexter – New Blood n’émut pas grand monde, jusqu’à ce tout nouveau Dexter – Original Sin (Dexter : les origines en VF) qui vient d’être mis en ligne en France, et qui a tout de la (bonne, voire délicieuse) madeleine de Proust.

Dexter les origines affiche

On s’explique : le point de départ est notre bon vieux Dexter Morgan (Michael C. Hall, un peu vieux désormais pour le rôle principal) qui voit toute sa vie défiler devant ses yeux alors qu’il va (peut-être) mourir. Ce qui donne aux scénaristes une justification – un peu bidon – pour un « prequel » racontant les premiers crimes de Dexter, alors qu’il est encore presque un adolescent, sous la « supervision » de son père, et son intégration dans le service médico-légal de la police de Miami… Bref, comment Dexter est devenu Dexter, mais – et là, l’idée fonctionne superbement bien – avec la voix off de Michael C. Hall comme narrateur.

Car la difficulté de ce « prequel », que Clyde Phillips transforme en une force de manière inattendue, c’est que presque tout ce qu’on voit ici, on le connaît : ça nous a été déjà raconté petit à petit, au fil des saisons de la série originale. Le culot du showrunner et de ses scénaristes est de nous faire « voir » des choses, des situations, dont nous avons déjà entendu parler, et de compenser l’absence quasi totale de surprises, qui sont normalement le carburant du thriller, par un insidieux, et très réel PLAISIR de se retrouver en terrain connu, mais juste un peu différent. Le plus étonnant est bien que ça fonctionne, en combinant intelligemment la nostalgie (oui, reconnaissons enfin qu’on adorait Dexter et tous ses personnages, et qu’on est ravi de les retrouver) et le décalage troublant induit par le rajeunissement général.

Pour que tout ça marche, il fallait deux choses : d’abord des acteurs crédibles dans les versions jeunes des personnages connus, et ensuite une reprise de la totalité des codes de la série originale (mise en scène, narration, dialogues, idiosyncrasie de personnages, etc.). Avouons-le, c’est une réussite ! Patrick Gibson fait un formidable Dexter jeune, copiant parfaitement la gestuelle, les expressions, le phrasé de Michael C. Hall, et même si le mimétisme peut être parfois moins parfait avec les autres acteurs / personnages, ce qu’il fait durant les 10 épisodes emporte totalement le morceau.

On savourera ainsi cette nouvelle série sans aucune honte, se réjouissant d’y retrouver tout ce qu’on aimait à l’époque, tant du point de vue dramatique (on a exagéré plus haut, il y a deux ou trois intrigues policières très bien ficelées dans Dexter – les origines) que comique (quel plaisir de retrouver la maladresse de Dexter, la grossièreté permanente de sa sœur Debra, les comportements répugnants de Masuka, etc. !). Et puis, en dépit de la « légèreté » plaisante de la série, il reste en filigrane suffisamment de « drame » dans le flashback (au sein du « prequel » – vous suivez ?) sur l’enfance de Dexter pour épaissir la sauce. Et finalement, ça fait plaisir de retrouver un Christian Slater qu’on voit trop peu désormais sur grand écran, et même une Sarah Michelle Gellar toujours pimpante, même si elle fait plutôt ici de la simple figuration.

Indiscutable réussite, Dexter – les origines est la garantie d’un bon moment pour tous ceux et celles qui connaissent l’original… mais laissera sans doute de marbre les autres, ce qui est évidemment la limite de l’exercice !

Eric Debarnot

Dexter – Original Sin (Dexter : les origines)
Série TV US de Clyde Phillips
Avec : Patrick Gibson, Christian Slater, Molly Brown, Michael C. Hall…
Genre : policier, drame, comédie
10 épisodes de 50 mins en ligne (Canal+) de janvier à février 2025

2 thoughts on “[Canal+] « Dexter : les origines » : délicieuse madeleine proustienne

  1. Bonjour Eric,
    Après avoir fini la très appréciable troisième saison de The Bear hier, je me demandais quelle série nous allions commencer ce soir. Adolescence semblait toute trouvée mais votre article me fait douter.
    Dexter fait partie des séries qu’on a pris un grand plaisir à suivre. Elle n’est pas loin de figurer sur la courte liste des séries que j’aimerais revoir.
    Même si reprendre 8 saisons, peut-être pas, mais la transmettre à nos deux ados, why not ?
    Alors, je me dis que ce prequel pourrait être une bonne idée, un peu de légèreté en mode tueur en série, c’est tentant.
    Merci à toute l’équipe pour la richesse de vos articles, de donner de votre temps avec toujours cette envie de faire découvrir à tous. C’est top.
    Cédric

    1. Bonjour ! Merci pour ce retour qui fait chaud au coeur. Je veux juste réagir sur le sujet de Adolescence. Nous avons publié deux articles, un POUR et un CONTRE. Je souscris personnellement à 100% à l’article POUR? il s’agit à mon humble avis de la série la plus impressionnante de cette année, voire de ces dernières années. J’ai été interloqué par le manque de pertinence de l’analyse de Michael, qui est pourtant un critique que je respecte, et l’un de nos lecteurs lui a écrit une réponse / contre analyse remarquable que tu trouveras dans les commentaires. Bref, je ne peux que te recommander très très chaudement de la regarder, et peut-être d’ailleurs de ne pas trop lire de choses dessus avant de la regarder, tant il s’agit d’une oeuvre originale, impactante et pertinente (surtout si on a des enfants adolescents !). Bon visionnage.

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