Sha-La-Lees – Hex : En dat is heel goed nieuws!

Véritable bombe à fragmentation, Hex, des belgo-néerlandais Sha-La-Lees confirme que le garage rock n’est plus une spécialité US, mais que, partout dans le monde, on trouve maintenant des groupes de forcenés doués de talent pour perpétrer cette grande tradition.

2025 03 26 Sha-La-Lees Maroquinerie RG (3)
Sha-La-Lees à la Maroquinerie – Photo : Robert Gil

Tiens, l’autre soir, on était à la Maro pour profiter de notre bonne grosse injection habituelle de rock administrée par les infirmiers fous de The Datsuns quand, en première partie, ont déboulé des Belgo-néerlandais (eh oui, ça existe, les groupes frontaliers) qui ont failli leur ravir le show. Failli seulement, car les Datsuns sont difficilement détrônables, mais quand même ! Ce qu’on a entendu pendant 35 minutes était du niveau des plus grandes références en terme de rock brutal et enragé, et d’ailleurs, une rapide recherche des articles déjà publiés sur les Sha-La-Lees (ou The Sha-La-Lees, le doute régnant sur le sujet important de « The ou pas The ») permet d’établir une liste de références des plus impressionnantes : MC5, Thirteen Floor Elevator, The Sonics, The Lors of Altamont, The Jim Jones Revue… N’en jetez plus ! On a bien compris qu’il s’agit là de la version la plus brutale du rock’n’roll, qu’on le qualifie de garage, de proto-punk, qu’on fasse référence aux célèbres « Nuggets » des sixties, ou qu’on ait à l’esprit le blues déglingué des Fleshtones (les « Sha-la-la » ne sont jamais loin).

HexHex est déjà le troisième album de Cédric Maes, le guitariste excité mais blagueur (on est quand même à moitié chez les Belges, donc l’humour et la gentillesse sont de mise), et de ses acolytes : le fameux album de la maturité, gagnée principalement sur les planches des scènes européennes, que Sha-La-Lees embrasent depuis des années. Et il commence magistralement par quatre minutes de pure folie furieuse, In Motion : dans la zone rouge du compte-tour d’entrée, un peu comme si on sautait dans un bolide en marche, qui n’a même pas ralenti pour qu’on puisse monter à bord. Harmonica torride (le blues, le blues…), guitare sixties et donc déraisonnable, riffs imparables, vocaux tout à fait convaincants (souvent, les vocaux ne sont pas le point fort des groupes du genre), et surtout mélodie entraînante. Tiens, on se dit, même s’ils n’ont pas été cités par nos confrères, que Sha-La-Lees pourraient venir concurrencer les incontournables Hives.

My Love Is Gone (Run & Hide) est plus franchement blues rock, mais très accéléré, et son refrain est court et parfait pour brailler en chœur (si seulement on avait connu la chanson avant le concert à la Maro !) : et il y a même un pont lent au milieu de la chanson, avant que les soli de guitare ne relancent la machine. I See, I See est une sorte de chanson parfaite pour les Fleshtones, sauf qu’elle est beaucoup plus musclée, puissante (après, la déglingue des Fleshtones a son charme aussi, on le sait tous…). Ô, Oblivian a été le plus beau moment du set parisien, et cette célébration en moins de deux minutes, montre en main, des méconnus The Oblivians est d’une efficacité imparable, avec son beau solo d’harmonica quasi-final.

Après ce quatuor de morceaux parfaits, on entre dans le cœur de l’album, qui ne faiblit jamais : chaque morceau est une démonstration de puissance brutale, élevée par de magnifiques soli de guitares, et par des mélodies toujours accueillantes, même s’il faut signaler, puisqu’on ne l’a pas fait, l’extraordinaire section rythmique qui permet aux titres de balayer une bonne partie de la concurrence. Un End of the Line, plus heavy mais pas moins lent, montre que le groupe n’est pas non plus hostile à une forme de « classicisme » Rock. A l’autre bout (?) du spectre, Soft Kill est une pure tuerie punk, qui aurait pu naître à la jonction entre pub rock et punk rock à Londres en 1976.

Gentle Rain est une petite surprise : avec son intro à la guitare acoustique, ses guitares twang, son banjo et son atmosphère morriconienne, il s’agit d’une rupture par rapport au reste de l’album, mais une rupture savoureuse. Rise en est une autre, car on parle ici – hérésie !!! – d’une balade, d’un tempo LENT !!! Pas d’inquiétude, elle ne dure qu’une minute trente-sept. Vous devriez pouvoir tenir le coup. Surtout qu’ensuite vient Hex, l’un des titres les plus impressionnants du disque (il lui donne quand même son titre, non ?) : pas loin des Hives, justement, du fait du chant principalement. Don’t Bury Me Before I’m Dead explose les compteurs avec ses presque quatre minutes trente : quasiment du prog rock à l’échelle des Sha-La-Lees ! Non, on plaisante, mais il s’agit presque d’une ample « fresque cinématographique », un morceau spectaculaire et envoûtant, qui prouve que les Sha-La-Lees ont aussi les moyens d’être ambitieux.

Finalement, même si l’on a forcément parlé beaucoup ici de références sixties et seventies, et de musiques américaines comme références / inspiration, la vitalité actuelle du Garage Rock, à travers toute la planète, démontrée une fois encore par les Sha-La-Lees, prouve bien qu’il s’agit aujourd’hui de l’une des formes musicales les plus intemporelles et les plus universelles.

En dat is heel goed nieuws! Pardon… Et c’est une très bonne nouvelle !

Eric Debarnot

Sha-La-Lees – Hex
Label : Sha-La-Lees
Date de sortie : 24 janvier 2025