Les éditions Discogonie mettent à l’honneur le deuxième album des Tindersticks paru en 1995. Un livre passionnant de Christophe Schenk indispensable pour tout fan du groupe.
Les deux premiers albums des Tindersticks, sortis respectivement en 1993 et 1995, ont une place à part dans le cœur des fans du groupe. Ces derniers apprécient leur coté rêche et sans concession, avant les tentations d’easy listenning qui ont été notées après Simple pleasure en 1999. Autant le premier album comportait de fabuleuses chansons avec les guitares dominantes (Whiskey and Water, Marbles, Jism), autant le second surprendra par le traitement symphonique, pour une qualité encore supérieure. 70 minutes, 16 titres dont un de plus de 8 minutes, le prise de risque était notable et ce disque est resté pour beaucoup le meilleur du groupe, fournissant encore de la matière aux setlists du groupe 30 ans après.
Un excellent livre de Christophe Schenk publié aux éditions Discogonie, revient sur la naissance du groupe et la genèse et réception de ce disque somme, et surtout présente et contextualise tous les titres, avec interview des acteurs principaux.
Tindersticks est né à Nottingham au milieu des années 1980. Stuart Staples (chant, guitare) et Neil Fraser (Guitare) y créent un premier groupe, The Desert Birds, avant d’être rejoints par David Boulter (claviers, percussions) au sein d’ Asphalt Ribbons, la première version de Tindersticks. Le livre revient sur la scène locale, les promesses nées du premier disque, les premières parties de Nick Cave, et les espérances de succès pour le deuxième. Comment arriver à parer les morceaux de tous les arrangements orchestraux que nous avons tant écoutés sans avoir les moyens de travailler avec des musiciens professionnels ? Nous apprenons donc l’importance qu’on eu le studio 2 d’Abbey Road, les violonistes Lucy Wilkins et Calina de la Mare, l’alto d’Ann Louise Child ou le violoncelle de Sarah Wilson, qui ont sculpté le son de ce disque et principalement des morceaux immortels comma A night in, Travelling Light ou le plus grand succès du groupe Tiny tears.
Les fanatiques du groupe se jetteront sur le cœur du livre, l’analyse et l’histoire de tous les morceaux. De nombreux commentaires des membres du groupe vont permettre de mieux comprendre leurs significations respectives. L’émotion arrive rapidement en lisant les pages consacrées à A night in et son crescendo de cordes nous ayant fait pleurer un soir d’Octobre 2001 au Grand Rex. Les huit minutes de My Sister sont un des temps forts du disque, avec la participation d’Isabel Monteiro de Drugstore. Nous apprenons ici comment ce morceau allait initier la fructueuse collaboration du groupe avec Claire Denis. Les pages relatives à l’utilisation de Tiny tears dans les Sopranos sont saisissantes et donnent immédiatement l’envie de revoir l’épisode dans son intégralité (episode « Isabella » de la première saison).
Le lecteur aura bien entendu tendance à aller lire les anecdotes relatives aux morceaux les plus connus, le single No More affairs et sa signification sexuelle ou Travelling light, magnifiée par la voix de Carla Torgerson des Walkabouts. Nous y apprenons ici que les Tindersticks ont ensuite participé à l’album magnifique que Torgerson et Chris Eckman ont sorti sous le nom de Chris and Carla. De fait, les similarités de l’univers musical des 2 groupes sont notables. Christophe Schenk revient également sur le titre qui nous avait marqué en 1995, ce Talk to me qui se termine dans une dissonance symphonique Wagnérienne.
La force du livre est également de nous donner envie de nous replonger dans des titres jugés moins marquants et qui pourtant sont d’une qualité indéniable : le calme et non orchestré Seaweed, le minimaliste Cherry Blossoms ou les instrumentaux Vertrauen II et Vertrauen II.
La réception du disque sera bonne mais plus mitigée que celle du premier, justifiant l’inclusion de la citation du Here de Pavement, par ailleurs repris par Tindersticks : I was dressed for success but success it never comes.
Le succès de masse n’est en effet pas arrivé, il n’en demeure pas moins que ce disque a marqué les années 90 et que les Tindersticks sont encore aujourd’hui une valeur sure qui remplit les salles. Le livre de Christophe Shenk lui fait indéniablement honneur.
Laurent Fegly