Poursuivant le développement à marche forcée de Donjon Parade, la branche jusque là un peu faiblarde du Donjon, Sfar et Trondheim nous offrent avec ce Nécromancien pour de faux une belle réussite dans l’esprit du Donjon Zénith.

Il faut bien reconnaître que l’un des meilleurs ressorts de la fiction, que cela soit dans le « thriller » ou dans la « comédie », a toujours été l’usurpation d’identité : quand le héros se fait passer pour un autre, dont il ne possède pas les compétences par exemple, ou tout au moins assez d’informations pour que la supercherie ne risque pas en permanence d’être dévoilé, les occasions de rire ou de trembler se multiplient. Il nous semble que c’est la première fois que Sfar et Trondheim utilisent cette vieille, mais toujours efficace, recette pour nourrir l’un de leurs Donjons, mais il faut reconnaître que le résultat est réjouissant (bon, il largement plus question de rire que de trembler ici, comme les lecteurs fidèles de la série l’auront deviné). En fait, Nécromancien pour de faux est certainement le meilleur Donjon Parade à date, et prouve que les auteurs étaient sérieux quand ils annonçaient se consacrer en 2025 à revitaliser cette branche pas trop vigoureuse de leur œuvre.
Nécromancien pour de faux nous raconte l’intrusion d’Herbert qui se fait passer pour Horous, le puissant nécromancien du Donjon, dans un congrès de nécromanciens, et l’accumulation de conflits et de désastres qui résulteront de son évidente – mais pas pour tout le monde – incompétence en matière de sorcellerie. Sans même parler du fait qu’il séduira la maîtresse de Horous, ce qui lui causera bien des ennuis. Heureusement, Herbert peut compter sur Marvin, qui n’a accompagné dans cette drôle d’aventure, pour le sortir des situations les plus périlleuses,… ou peut-être parfois de les aggraver !
Les aficionados du Donjon Zénith, qui reste « la base » de tout, retrouveront avec plaisir l’atmosphère farfelue mais chaleureuse des premiers tomes du Donjon, avec les gaffes d’Herbert, les grosses bagarres sanglantes, les délires liés au surnaturel (Herbert couvert d’yeux parce qu’il n’a pas bu correctement un dangereux cocktail !), l’humour décalé omniprésent, et même un soupçon de sensualité bienvenue. Le dessinateur québécois Delaf – connu pour Les nombrils, mais aussi pour le reboot polémique de Gaston Lagaffe – s’intègre idéalement dans le projet, avec un style graphique cohérent avec l’univers du Donjon Zénith, mais avec suffisamment de dynamique narrative et de personnalité pour que l’album ait un réel caractère.
Répétons toute fois que, alors que la plus évidente faiblesse des Donjon a toujours été des scénarios mal construits, bâclant systématiquement la conclusion des histoires pour tenir dans le format standard du nombre de pages imposés, le véritable « plus » de Nécromancien pour de faux vient du travail de Sfar et Trondheim : ces deux stakhanovistes de la BD, qui semblent trop souvent jouer la carte de la quantité plutôt que celle de la qualité, ont-ils décidé de ralentir le rythme pour consacrer plus de temps de cerveau et d’heures de travail à leur rejeton le plus exubérant, le Donjon ? C’est vraiment ce que nous souhaitons tous, mais l’avenir nous le dira, et vite.
Eric Debarnot
Nécromancien pour de faux – Donjon Parade T9
Scénario : Joann Sfar / Lewis Trondheim
Dessin : Delaf
Editeur : Delcourt
32 pages – 11,50 €
Parution : 16 avril 2025
Nécromancien pour de faux – Extrait :
