« Les linceuls » de David Cronenberg : vanity care…

(Faux) dernier film de Cronenberg, les Linceuls est loin d’être l’un de ses meilleurs, mais nous offre un propos intime et frontal sur la question deuil, malheureusement dégradé par une seconde partie trop complexe.

les linceuls
Vincent Cassel, Diane Kruger – Copyright Pyramide Distribution

David Cronenberg a récemment déclaré qu’il allait probablement cesser de filmer, en ajoutant « Le monde n’a pas besoin de mon prochain film ». Le cinéaste de 82 ans prévoyait donc de terminer sa carrière sur le bien nommé Les linceuls, film testamentaire et malade abordant frontalement l’expérience du deuil de son épouse, avec laquelle il fut marié pendant 43 ans. Le propos est donc plus clairement intime, moins délirant et baroque que dans Les Crimes du futur, même si les incursions de la technologie et des déviances vont très rapidement s’inviter dans l’intrigue.

les linceuls afficheLe point de départ est assez fascinant, puisqu’il prend au sens propre le questionnement humain face à la mort : ce qu’elle produit sur le corps, et la manière dont elle progresse pour le réduire en poussière. Le précis de décomposition est donc donné à voir dans un cimetière où la technologie permet la visualisation de cette avancée, entre fascination morbide et désir éperdu de garder un lien avec l’être cher. Cronenberg joue évidemment avec l’hubris ici déployée, dans un univers glacial, où les millions de la startup nation autorisent tous les excès, même dans des quêtes philosophiques légitimes. Vincent Cassel, en alter ego du cinéaste, compose un personnage ambivalent, certes ravagé par le deuil, mais également obsédé par une quête qui repousse les limites de la morale et excite en lui les frémissements du pionnier ou du demiurge, rejoignant en cela toute la cohorte des personnages de Cronenberg.

Mais ce point de départ très personnel se heurte très rapidement à un déploiement d’écriture complexe, qui, loin de le creuser, tend surtout à le stériliser. Cronenberg, par pudeur ou par goût du recyclage de toutes ses thématiques de prédilection, multiplie les pistes, les séquences fantasmées ou réelles, les délires complotistes (dans l’esprit des ramifications d’eXistenZ), quitte à perdre le spectateur qui ne sait plus à quel arc se rattacher. Très verbeux, le film semble présenter les vivants comme des morts en sursis, dans une sorte de fourmillement futile où les amputations, les fichiers pirates, les attaques de hackers du monde entier dessinent une comédie humaine particulièrement stérile face à des corps en décomposition. Une nouvelle « foire aux vanités », en somme, qui semble réduire à néant toutes les prétentions de la science et ses applications dans une technologie au service d’une civilisation malade, et dénuée de toute capacité à la réflexion ou la spiritualité. Un propos tout à fait légitime, mais qui peut aller jusqu’à destituer l’édifice du film lui-même, cannibalisé par son nihilisme.

PS : Depuis ses déclarations, le cinéaste a confié être en réalité au travail sur son prochain, l’adaptation de son propre roman Consumed…

Sergent Pepper

Les linceuls (The Shrouds)
Film canadien (co-production française) de David Cronenberg
Avec : Vincent Cassel, Diane Kruger, Guy Pearce, Sandrine Holt…
Genre : thriller, science-fiction
Durée : 1h59
Date de sortie en salles : 30 avril 2025

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