Second film de Kiyoshi Kurosawa montré en festival en 2024, Cloud prend une route inverse de Chime. Plus long, plus en ruptures de tons. Plus démonstratif aussi.

Premier Kiyoshi Kurosawa de l’année 2024, Chime témoignait en 45 minutes de la capacité du genre horrifique à atténuer ses limites en tant que cinéaste et à tirer le meilleur de son talent pour travailler cadre, son et durée. Montré à Venise la même année, le mélange d’horreur, de satire d’époque, de home invasion et de polar de Cloud sombre en revanche dans le pensum et retrouve rarement cette verve stylistique.
Ryosuke (Masaki Suda) plaque donc tout pour vivre de la revente en ligne. Mais certains clients menaçants resserrent l’étau autour de lui sans qu’il sache pourquoi. Le début coche la case du fameux discours médiatique sur cette Génération Z qui ne se reconnaît pas dans un management classique et ne cherche pas forcément une promotion. Ryosuke préfère ainsi monter une arnaque sur le web pour faire de l’argent facile plutôt qu’être promu.
Un attrait pour l’argent facile ne datant pourtant pas d’aujourd’hui (coucou Jordan Belfort). Avec quand même une petite nuance contemporaine : Ryosuke semble être obnubilé par le montant sur son compte comme un gamer qui voudrait faire un score élevé. Sauf qu’à l’heure de l’interconnexion l’arnaque se démasque plus facilement et Ryosuke va être aisément repérable par ses victimes assez tentées par l’envie de court-circuiter la voie judiciaire classique. Plus loin ce sont les vieux mâles nippons achetant des figurines d’action de sabreuses aux looks d’écolières qui en prendront pour leur grade. La satire est facile mais ce n’est pas forcément le seul problème du film.
Il s’agit plutôt de personnages existant seulement comme pantins du propos du cinéaste et pas vraiment comme êtres humains en chair et en os. Comme ce personnage n’existant que comme figure méphistophélique destinée à faire chuter Ryosuke. Un Ryosuke obsédé par le fric même lorsque sa copine essaie de l’exciter. Le comportement de cette dernière est écrit pour faire avancer le récit, au prix d’incohérences. L’associé de Ryosuke se transforme en professionnel hawksien exactement quand le film en a besoin.
Au fur et à mesure que le film avance, les ruptures de tons comiques amenées par la bifurcation vers le polar laissent croire que Kiyoshi Kurosawa aurait voulu partir du pensum pour transformer ça en canular. On pense ainsi à Tarantino (pour l’amateurisme comique des personnages ciblant Ryosuke) et à Kitano (pour cette violence absurde et déshumanisée). Mais, hélas, le film revient à la démonstration lourde sur la fin.
Cloud a quelque chose d’un contrepied par rapport à Chime : un film long, à l’opposé de l’unité de ton de ce dernier. Mais on peut préférer l’étalage de savoir faire de Chime.
Ordell Robbie.