Jeudi soir, au POPUP du Label, le Québec était venu à nous, et ça a rock’n’rollé dur et drôle à la fois : Alex Burger, star de la « country » dans son pays, est venu avec son « full band » mettre de la bonne humeur et faire danser une salle qui a été vraiment à la fête, du coup…

Au vu du nombre de groupes passionnants qui sont apparus au Canada au cours des deux dernières décennies, que ce soit au Québec comme au Canada anglo-saxon, on se doute bien que ceux qui percent ainsi internationalement ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Et qu’il y a bien d’autres artistes qui ne demandent qu’à être reconnus en France : pour les Québécois, en particulier, le rapport à la France est extrêmement important, fondateur, et c’est donc toujours enrichissant (chaleureux et enrichissant, devrait-on écrire) d’aller découvrir sur scène la musique de nos lointains cousins à l’accent délicieux. Nous n’avons donc pas pu refuser l’occasion de découvrir au PopUp du Label – une petite salle au caractère bien forgé – Alex Burger, vedette de la country (mais pas que…) made in Québec.
20h30 : Mais avant le plat de résistance (et on ne parle pas de poutine !), il y a un apéritif délicat servi par le régional de l’étape – d’origine normande, quand même -, Gaétan Nonchalant, un habitué de la salle (il nous confie que c’est son dixième concert en ces lieux !). Gaétan Nonchalant, on avoue bien sincèrement n’avoir pas trop accroché quand on l’a découvert sur scène à Rock in the Barn en 2020, ses références à la chanson française n’étant clairement pas les nôtres. Et puis Changement de programme, son disque de 2023, nous a intrigué, avouons-le, jusqu’à ce que, ce soir, ce set de 35 minutes soit une petite révélation. Ou en tout cas un moment de profond bonheur.
En solo dans l’intimité du PopUp, qui plus est soutenu par une bande nombreuse de fidèles venus l’encourage et même faire les chœurs sur certaines chansons, Gaétan a pu révéler la sensibilité et l’élégance de sa musique (bien mieux qu’en format groupe dans un festival, ce qui est logique, vu son style…). Des morceaux courts, ébauchant des descriptions fines et parfois joliment abstraites et symboliques de moments vécus, ou même de simples sensations attrapées au fil de la vie, interprétés avec une grâce jamais mise en défaut : voilà plus que de la « simple » chanson française – et d’ailleurs le passage un peu « Véronique Sanson » au piano a été le moment le moins original du set -, presque une approche indie folk française. On n’est certes pas loin de la sensibilité du Katerine des débuts (avant la provocation et la rigolade), et d’ailleurs les deux musiciens ont collaboré sur l’un des titres joués ce soir, Champs de Blé, mais on sent qu’il y a quelque chose de « plus » ici qui pourrait éclore. Peut-être que quelqu’un devrait pousser Gaétan à sortir de sa zone de confort ? Mais en tout cas, il fait très bien ce qu’il fait aujourd’hui, dont les qualités se trouvent résumées sur son mini-hit, la Berezina. Allez le voir sur scène s’il passe près de chez vous, c’est une belle et douce soirée assurée.
21h30 : On a beaucoup de chance, car le Québec c’est loin, mais pour son premier concert à Paris, Alex Burger est venu avec son « band » tout entier (il prétend qu’ils s’appellent les « Tarifs Staff », dans une private joke qui nous est incompréhensible) : c’est important parce que, au-delà de la country music qui est sa base (une musique qu’il a appris à aimer dès son plus jeune âge en famille), Alex – avec son look hard rocker des seventies bien réjouissant – joue une tabarnak de bonne musique rock ! Et avec l’aide d’une section rythmique solide et d’un guitariste solo très doué, il va nous gratifier ce soir de très bons moments de rock’n’roll, de « classic rock » et de blues rock millésimé North American, qui font beaucoup de bien par là où ils passent.
Burger a une excellente voix pour le genre musical (Non, Alex, tu ne nous rappelles pas Francis Cabrel !), apporte des compositions classiques mais convaincantes, et élève le tout grâce à une bonne humeur communicative : le genre de gouaille et de joie de vivre que nous, Français, associons avec la culture québécoise… C’est sans doute un cliché, mais les clichés, comme le souligne lui-même Alex en parlant des Français avec béret et baguette sous le bras, sont souvent près de la réalité profonde des peuples. Bon, il parle beaucoup Alex, et il est toujours très drôle, même si ça vient parfois causer un peu de tort au rythme du set, qui atteint de beaux sommets d’incandescence (La pente descendante, irrésistible !), et retombe avec des intervalles trop longs entre les chansons.
Quelque part, on a le sentiment d’assister au concert donné par une bande d’amis (et amie, puisqu’une jeune femme anime aussi vocalement les chansons, avec une évidente empathie), qui semble plus motivée par la joie de jouer et d’être ensemble – et de découvrir la France, pour le coup – que par des ambitions professionnelles immenses. Et c’est très bien comme ça, parce que, musicalement, par contre, c’est extrêmement pro et efficace !
Et puis, il y a là matière à réflexion pour tous les groupes de l’hexagone qui, dans leur grande majorité, chantent désormais en anglais. Car s’il y a une chose que nos cousins québécois – dont on connaît la francophonie militante – nous ont prouvé ce soir, sans aucune hésitation, c’est que la langue française est aussi « rock » que l’anglais ! Alors comment font-ils, quand tant de groupes d’ici se prennent les pieds dans des paroles en français ? Est-ce à cause de l’accent ? A cause des mots un peu différents ? C’est peu probable, et c’est plus simplement grâce au naturel et à la conviction avec lesquels les textes sont chantés (on doit aussi reconnaître la qualité des textes d’Alex, bien évidemment). En tous cas, ça le fait…
Le set se clôt trop vite, après seulement une heure et quelque, sur le beau morceau de country dylanienne qu’est le Roi de la montagne. Et nous laisse frustrés : on aurait bien aimé une heure de plus, Alex ! Reviens-nous vite, sans aucun doute, tu vas te construire de ce côté de l’Atlantique une base de fans fidèles !
Gaétan Nonchalant :
Alex Burger :
Eric Debarnot
Photos : Eric Debarnot