[Prime] « Ballard » : Maggie Q fait revivre Connelly avec panache

Avec Ballard, nouvelle série issue de l’univers de Michael Connelly, Prime nous offre un spinoff réussi à la franchise Bosch. Plus solide que Bosch: Legacy, mieux ancrée dans notre contemporanéité que The Lincoln Lawyer, la série s’impose d’emblée comme l’une des meilleures adaptations « connellyennes » à date.

Ballard.
Maggie Q – Copyright Amazon Content Services LLC

On craignait l’essoufflement : depuis la fin de Bosch, série magistrale et fondatrice du « Connellyverse » sur nos petits écrans, Amazon s’efforce de maintenir vivante la flamme de ce que les Etats-Uniens qualifient de polar procédural, « à l’ancienne », ancré aussi solidement que possible dans le réel de Los Angeles. Mais après un Bosch: Legacy un peu poussif, voire fade, et un Lincoln Lawyer divertissant, mais plus léger, sur Netflix, Ballard va peut-être bien s’imposer comme un retour en grâce. Plus tendue, plus habitée, plus élégamment construite, mais également plus ouverte même que les romans de Connelly sur les problématiques actuelles de violence contre les femmes, c’est une réussite.

Ballard affiche.Ballard est donc basée sur les romans de Michael Connelly où le personnage de Renée Ballard a été introduit pour incarner une nouvelle génération d’enquêtrices, tout en s’inscrivant parfaitement dans la continuité directe de l’univers Bosch. Et cette fidélité n’est pas que théorique : l’apparition de Harry Bosch (Titus Welliver, au visage curieusement lustré – avec l’aide de l’IA ?), en mentor discret, et le retour ponctuel d’autres figures familières (Jerry Edgar, « Mo » Bassi, Honey Chandler…) créent un effet de continuité qui ravira les fidèles de l’univers de Connelly – dont nous sommes. Mais Renée Ballard reste au centre de tout, et c’est tant mieux, vu la classe de Maggie Q dans le rôle.

La série prend son temps pour installer ses enjeux, ce qui irritera sans doute les téléspectateurs toujours impatients (Qu’ils soient prévenus, la série n’atteint son point d’incandescence qu’à mi-course, après l’épisode quatre, et c’est très bien comme ça !). Renée Ballard, rétrogradée suite à un conflit dans son département que nous ne découvrirons que progressivement, parce qu’il viendra se mêler à l’une des enquêtes, revient diriger une unité, composée seulement de volontaires bénévoles (!) chargée de résoudre des « cold cases »… C’est-à-dire un concept très à la mode en ce moment, non seulement dans la fiction, mais également dans la réalité : rappelons que, depuis 2022, la France s’est aussi dotée d’un pôle « cold cases » basé à Nanterre (… comme quoi la fiction peut inspirer de bonnes choses aux hommes politiques !).

Comme dans les séries précédentes de l’univers de Connelly, plusieurs enquêtes, plus ou moins au long cours, vont s’entremêler au fil des dix épisodes, mais cette structure narrative permet surtout d’entrelacer intrigues du présent et blessures du passé que les personnages ont remisés dans leur mémoire, mais qui vont ressurgir. Mais Ballard se distingue de ses prédécesseurs en incluant dans son scénario un « arc » général beaucoup plus intime et pourtant plus politique : autour de la corruption policière, des méthodes internes, de la violence institutionnelle, de l’image tellement décriée du L.A.P.D., mais aussi en adoptant comme centre de gravité de la saison la question des violences faites aux femmes. En cela, Ballard dépasse clairement la routine de la série policière classique, et c’est là véritablement un « plus ».

Bien sûr, Maggie Q, une actrice à la filmographie plutôt « discrète » jusqu’à présent, est l’atout maître de la série : physique tendu, regard déterminé, elle incarne une héroïne crédible, et impose sa présence par sa constance et son humanité? On pouvait craindre au départ qu’elle joue de son physique avenant, mais elle dépasse rapidement les limites de l’actrice seulement « good looking ». Le personnage est évidemment plus riche : là où Bosch était mutique et rugueux, cadenassé de l’intérieur, Renée Ballard est une femme pleine de fêlures, qui ne perd pourtant jamais sa rigueur professionnelle (l’un des crédos de Connelly, on se sait, le sérieux au travail !). Il ne fait pas non plus ignorer que les « cold cases » sont résolus par une équipe, et Ballard sait utiliser judicieusement l’aspect choral de ses histoires : tous les membres de l’équipe de Ballard sont importants, et bénéficient d’un véritable travail en profondeur des scénaristes et des acteurs pour les humaniser. On notera en particulier, car c’est assez original pour le coup, la trajectoire particulière du personnage – complexe – de Ted Rawls (Michael Mosley, très bon), au départ le plus « détestable » de l’équipe, qui gagne peu à peu une humanité étonnante.

Comme toujours dans ce genre de série, la réalisation reste le point sinon faible, mais tout au moins le plus modeste de Ballard. Au moins admettrons-nous qu’elle n’est jamais tape-à-l’œil, et reste toujours précise : les scènes d’enquête comme les scènes d’action sont efficaces, les confrontations dialoguées sont tendues sans tomber dans l’excès et la sur-dramatisation. La mise en scène est totalement au service d’une écriture qui ne tombe jamais dans le didactisme, et fait honneur à la tradition du roman noir californien, entre ombre et lumière, entre culpabilité et quête de justice.

Ballard réussit là où beaucoup de séries de franchise échouent : à prolonger un univers sans l’appauvrir, à proposer une voix nouvelle sans renier les fondations. Il se pourrait bien, si elle continue à ce niveau, qu’elle rejoigne Bosch au panthéon des adaptations télévisées de l’œuvre de Michael Connelly.

Eric Debarnot

Ballard
Série US de Michael Alaimo et Kendall Sherwood, d’après l’œuvre de Michael Connelly
Avec : Maggie Q, Courtney Taylor, John Carroll Lynch, Michael Mosley…
Genre : policier
10 épisodes de 50 minutes mis en ligne (Prime) le 9 juillet 2025

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