Que de joies et de promesses dans le monde de la country alternative ! Après l’incroyable Manning Fireworks de MJ Lenderman, l’année dernière, c’est au tour de Ryan Davis, accompagné de son groupe, de nous offrir un album qui confirme tout le bien que l’on pensait de lui.

Il y a deux ans, un album OVNI avait estomaqué les fans d’Americana qui avaient eu la chance de tomber dessus. Un inconnu complet, Ryan Davis, sortait Dancing on the Edge, un album majestueux, le premier sous son nom à près de 40 ans. Davis a été le leader de State Champion, un groupe d’Alternative Country en provenance de Louisville, Kentucky qui a publié en tout 4 albums, fortement marqués par une influence des Silver Jews ou des trop méconnus Felice Brothers. Ryan Davis a fait une pause après Send Flowers, dernier album en date de State Champion en 2018, et est revenu en 2023 métamorphosé en auteur compositeur pour un premier album sous son nom. Un auteur avec son univers bien à lui, peuplé des beautiful losers chers à Bob Seger et de situations drôles, surréalistes ou absurdes.
Il revient en 2025 avec un nouvel album, New Threats From The Soul, qui reprend la même formule en la magnifiant : sept longs morceaux toujours influencés par David Berman période Purple Mountains, mais dans lesquels on ressent également un amour profond pour Lou Reed ou Jason Molina. Le morceau d’ouverture, New Threats From The Soul, éblouit d’entrée : 9 minutes somptueuses avec piano, pedal steel, une voix qui ne peut que venir du Sud profond, et l’accompagnement de Catherine Irwin de Freakwater, autre groupe emblématique de Louisville. Davis est un parolier de premier plan, reconnu par ses pairs, dont Bill Callahan. Ce titre d’ouverture place la barre très haut, et il est recommandé de bien se concentrer sur les images lumineuses et les personnages hauts en couleur que Davis nous présente : « She once said that nothing could make her feel quite as loved as one early morning kiss could / but I have been up too late one too many nights” ( Elle a dit un jour que rien ne pouvait la faire se sentir aussi aimée qu’un baiser tôt le matin/ Mais je me suis levé trop tard une nuit de trop).
Les six autres titres de l’album sont dans la même lignée, avec en point d’orgue l’extraordinaire The Simple Joy, sept minutes de bonheur sur lesquelles apparait Will Oldham, la star de l’alternative country du Kentucky. Ensemble, ils vont nous parler de joies simples, mais de solitudes également. Bien entendu, leur conception d’une « joie simple » n’est pas forcément celle qu’on imagine, et cela donne lieu à des choses mémorables « I will tell them everything I know about the simple joy / and I won’t plead the fifth / I’ll run what’s left of the clock down doing push-ups and cheating at solitaire” (Je leur dirai tout ce que je sais sur la joie simple / et je ne plaiderai pas le cinquième / Je vais parcourir ce qui reste de l’horlorge en faisant des pompes et en jouant au solitaire).
Dans Monte Carlo / No Limits, le narrateur laisse sa voiture accidentée devant le portail de son ex pour lui rappeler sa présence, et en souvenir de ce que leur mariage est devenu. La musique est formidable, la pedal steel de Christopher May subtile, nous pensons encore une fois à David Berman.
Dans Better if You Make It, le narrateur promet de changer si cela permet de sauver sa relation. Le groupe est à son meilleur sur ce titre que nous conseillerons à ceux qui vont tenter de rentrer dans cet univers : musicalement, c’est totalement imparable.
Le cœur de l’album est quant à lui composé de deux morceaux de 10 minutes (Mutilation Springs et Mutilation Falls, tout un programme !) structurés de la même façon et qui, bien que placés l’un au milieu et l’autre à la fin de l’album, forment un tout de près de 20 minutes. Cela démarre par du conga et un vieux synthé déglingué avant que Davis se lance dans un spoken word désespéré. Ça ne rigole pas, le désespoir règne, Davis parle de l’état de l’Amérique, de Waco, de Salem, sans que cela soit ouvertement politique et anti Trump, nous sommes plus sur le constat d’une évolution sur plusieurs décennies. Difficile de ne pas penser aux similitudes avec l’univers de Chris Offutt, grand romancier et nouvelliste qui a également écrit sur les déshérités du Kentucky :« I can’t remember the last time the good times felt so bad » (Je ne me souviens pas de la dernière fois où les bons moments étaient si mauvais). Enchainés sur 20 minutes, l’effet plombant était garanti, la séparation en deux parties plus que bienvenue et ce n’est pas la meilleure porte d’entrée pour le profane.
Crass Shadows (at Walden Pawn) conclut ce disque par une touche mélancolique. Ce titre avait été oublié dans un tiroir par son auteur avant qu’il ne le retrouve, le complète, et le considère comme la touche finale parfaite.
Allons-nous avoir la chance de pouvoir apprécier ce phénomène sur scène à Paris ? SI c’est le cas, soyez sûr d’en entendre parler ici !
Laurent Fegly
Ryan Davis and the Roadhouse Band : New Threats From the Soul
Label : Somophore Lounge
Date de sortie :25 juillet 2025
RYAN DAVIS & the Roadhouse Band « New Threats from the Soul » de Ryan Davis & the Roadhouse Band