Osees – ABOMINATION REVEALED AT LAST : quand la colère devient musique…

Le nouvel album de John Dwyer et ses Osees s’apparente à un manifeste enragé, punk et psyché dans l’âme comme toujours, mais encore plus politique dans le fond, combinant tout ce que le groupe sait faire en une arme de contestation massive dans les Etats-Uniens trumpiens.

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Osees au Cabaret Sauvage le 15 mai 2025 – Photo : Eric Debarnot

Pour les mélomanes ayant la chance (au moins de ce point de vue-là) d’habiter en région parisienne, il y a chaque année un rendez-vous à ne louper sous aucun prétexte : c’est le concert parisien annuel de Osees, l’un des groupes les plus importants de notre époque, au moins scéniquement. Car, depuis plus de vingt ans, John Dwyer mène son groupe au patronyme variable avec une détermination redoutable, et une vision claire de ce qu’il cherche : chaque concert – à des niveaux qui peuvent varier en fonction de l’état d’esprit de John à ce moment-là – est une expérience sonique irremplaçable, traduisant, dans un déluge parfois apocalyptique de sons extrêmes, une intégrité artistique, morale et politique remarquable.

ABOMINATIONEn ce qui concerne les albums (et il y en a près d’une trentaine…), on a le droit d’être un tout petit peu moins enthousiaste, tous ne sont pas indispensables, et on peut regretter parfois des expérimentations audacieuses mais bancales. Car pour Dwyer, chaque disque doit marquer une évolution, être différent, imprévisible… mais toujours avec cette volonté de repousser les murs, et de jouer vite et fort, à partir de bases garage punk et psyché du groupe. La bonne nouvelle est qu’avec ABOMINATION REVEALED AT LAST, le nouveau, qui sort quasiment un an jour pour jour après SORCS 80, on a affaire à un album qui, au-delà de son énergie brute, se nourrit clairement d’une urgence politique. Un disque que les fans US placent avec enthousiasme dans la lignée de A Foul Form ou de Mutilator Defeated At Last, mais avec, en « bonus », si l’on ose dire, une tension accrue, née de la frustration, la colère, et la révolte d’une époque où tout semble vaciller sous les coups de l’administration Trump.

Alors que, malheureusement, peu de groupes de Rock osent encore exprimer clairement un discours politique, cela vaut la peine de reproduire in extenso la profession de foi de Dwyer présentant son disque : « It feels like its all lighting off. A lot of fodder in today’s world for an artist. Too easily humans forget their humanity. Forgiveness is a dead science. Empathy is viewed as a weakness by cretins. Easier to hate rather than love. Fear and greed have dug their bloody hands into everything. At least now we know who you are. We see you. We defy you. People are under duress. Recognize this abomination. Oppose the oppressor. FUCK the fascists and their enablers. Fuck the war mongers Good luck out there. ACAB. » (On dirait que tout s’éteint. Il y a beaucoup de matière à réflexion dans le monde d’aujourd’hui pour un artiste. Les humains oublient trop facilement leur humanité. Le pardon est une science morte. L’empathie est considérée comme une faiblesse par les crétins. Il est plus facile de haïr que d’aimer. La peur et la cupidité ont mis leurs mains sanglantes partout. Au moins maintenant, nous savons qui vous êtes. Nous vous voyons. Nous vous défions. Les gens sont sous pression. Reconnaissez cette abomination. Opposez-vous à l’oppresseur. MERDE aux fascistes et à leurs complices. MERDE aux fauteurs de guerre. Bonne chance. ACAB*).

L’introduction de ABOMINATION, titre hystérique de punk hardcore avec quelques notes discordantes de guitare, pose les bases de tout l’album, tant soniquement (plus brutal que jamais) que thématiquement. Il s’agit de reconnaître sans se cacher derrière une bien-pensance qui n’a plus lieu d’être, l’abomination qui est désormais au pouvoir : « Choir abomination / Lie there abomination / Slayer abomination / Violent world domination / Putrid / Afterbirth and brutes / Ashes of a broken land / Usurped by the fool » (Abomination du chœur / Abomination du mensonge / Abomination du tueur / Domination mondiale violente / Putride / Placenta et brutes / Cendres d’une terre brisée / Usurpée par le crétin)…

… ce qui ne veut pas dire que tous les titres dérouleront ce même programme à la lettre, la variété des styles restant essentielle chez Dwyer. On trouve par exemple un étonnant et jouissif INFECTED CHROME au chant et aux synthés très évocateurs du Devo des débuts. Ou un long GLUE (près de cinq minutes et demies) où les synthés dérangés et bancals sont encore en première ligne, pervertissant une psalmodie hébétée de Dwyer se débattant vainement dans son mal-être. FIGHT SIMULATOR (près de 5 minutes aussi avec son interminable et superbement irritante outro), bénéficiant d’un riff implacable, revient d’abord à une forme de punk rock , avant de s’éteindre dans un chaos abstrait… pour se rire de la prétention agressive dont nous faisons tous preuve sur les réseaux sociaux, et IRL : « I am insufferable, unbelievably satisfied / It’s my place to tell you what is wrong » (Je suis insupportable, incroyablement satisfait / C’est à moi de te dire ce qui ne va pas). GLASS WINDOW combine un phrasé punk narquois typiquement britannique de la fin des années 70, avec des phases de décollage lyrique incongrues.

Si les paroles de Dwyer sont régulièrement cryptiques, et non démunies d’une indéniable poésie, elle ne reculent pas devant l’attaque directe… Comme dans ASHES 2, l’un des titres les plus radicaux : une minute et neuf secondes d’un mur de guitares et de percussions (les merveilleuses deux batteries qui sont au cœur de la musique de Osees), et Dwyer vomit sa haine des milliardaires bien décidés à asservir l’humanité à coup d’Intelligence Artificielle et de technologie : « Fuck, you suck, AI defender / Man without face, without name / Rudderless god, futurist pathos / Winning at spinning in space » (Putain, t’es nul, défenseur de l’IA / Homme sans visage, sans nom / Dieu sans gouvernail, pathos futuriste / Ta victoire est de tourner dans l’espace).

Le disque se referme sur le magnifique GLITTER-SHOT, une déclaration de guerre posée, presque mélodique (au moins jusqu’à une autre de ces conclusions abstraites dont Osees ont le secret), contre la dictature qui nous contrôle de plus en plus : « Life under glass, it turns them on / Software eyes slide up our arms / That’s what they want, to suck our bones / Emptied out and strewn around / We build it up, they tear it down / All of our love just splashed around » (La vie sous verre, ça les excite / Les yeux du logiciel glissent sur nos bras / C’est ce qu’ils veulent, sucer nos os / Vidés et éparpillés partout / Ce que nous construisons, ils le détruisent / Tout notre amour n’a fait qu’éclabousser).

ABOMINATION REVEALED AT LAST condense en 12 morceaux et 35 minutes la sauvagerie live du groupe et son instinct de survie créatif. Tout en nous avertissant : le monde être en train de brûler, la dictature s’installe partout, les USA étant désormais le modèle idéal pour tous les monstres, mais Osees ne vous laissera pas l’ignorer. « Well, this album just channelled out of the mist of atrocities swirling around the planet right now. » (Eh bien, cet album vient tout juste d’émerger du brouillard d’atrocités qui tourbillonne autour de la planète en ce moment), répète John Dwyer.

Car, dans ce rôle de témoin enragé, hurlant sa colère, nous éclaboussant de giclées apocalyptiques, Osees est l’un des groupes essentiels de notre époque.

(*) En ce qui concerne la signification de « ACAB », nous laissons notre lecteur la trouver par lui-même, par une simple recherche sur le Net

Eric Debarnot

Osees – ABOMINATION REVEALED AT LAST
Label : Castelface Records / Deathgod Corp
Date de parution : 8 août 2025

1 thoughts on “Osees – ABOMINATION REVEALED AT LAST : quand la colère devient musique…

  1. Enfin ça bouge avec la musique… Trump à la poubelle ! Il est en train de faire un mal aux USA, qui mettront des décennies à se relever, les pauvres américains se sont fait avoir avec ce gros débile qui se prend pour le king de la planète ! Qu’il « crève » ce gros con!

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