L’auteur a choisi dans Perpétuité de se plonger dans le quotidien d’une équipe de surveillants et surveillantes de nuit. Cette petite équipe est réaliste au possible et on imagine le travail et les rencontres en amont pour arriver à ce résultat.
Tout démarre lorsque Pierre s’apprête à prendre son service dans une prison du sud de la France. Il est surveillant général et dirige une équipe d’une dizaine de collègues. La nuit l’équipe est réduite et gère quasiment mille détenus à l’inverse de la journée où les effectifs sont plus conséquents. Chaque service réserve son lot d’imprévus et la nuit qui arrive ne fera pas exception. Une prise de service qu’il n’est pas prêt d’oublier.
C’est à partir de là que l’on découvre les différents personnages qui gravitent autour de cette prison, leurs conditions de vie et les petites histoires qui se tissent entre eux. Bianca la directrice de l’établissement, un personnage qui ne lâche rien et qui a un regard singulier sur l’emprisonnement et les conditions de détention mises en place. Émilie la directrice de la détention qui découvre depuis peu les coulisses de la prison et les coupes budgétaires toujours plus nombreuses. Des économies qui impactent directement la vie des détenus et celle des surveillants. Il y a Kim, une surveillante qui dérape et qui risque la sanction disciplinaire. Et il y a Dominique aussi, une médecin qui partage son temps entre l’institut médico-légal et les consultations avec les détenus de la prison. Un autre personnage marquant qui tente de donner du sens à sa pratique dans une institution qui en manque cruellement. C’est d’ailleurs un peu le cas pour l’ensemble des personnages de l’auteur, ce manque de sens dans la pratique, le sentiment d’être complètement broyé par la machine pénitentiaire. Quand ce n’est pas les détenus en somme ce sont les surveillants qui trinquent.
Guillaume Poix restitue derrière le fonctionnement de chaque personnage la réalité du terrain du métier de surveillant, les difficultés à exercer, le mal être omniprésent chez certain, mais aussi la solidarité importante dans l’équipe. On s’attache à ces personnages qui vont traverser une nuit difficile et passer d’un évènement imprévu à un autre. L’auteur retranscrit avec beaucoup de justesse la vie de ces surveillants qui luttent au quotidien pour ne pas sombrer derrière les différentes violences de l’institution (et pour continuer à vivre avec les problèmes qui ne cessent pas à l’extérieur). À l’arrivée cela donne un roman qui rend visible des points de vue de surveillants que l’on voit peu dans des fictions.
Avec Perpétuité l’auteur écrit un texte qui prend aux tripes et qui donne à voir une institution à bout de souffle. Pour celles et ceux que ça intéresse et qui souhaiteraient prolonger les réflexions amorcées dans ce roman, je peux vous conseiller l’essai Décarcérer de Sylvain Lhuissier aux éditions Rue de l’échiquier. Ce dernier déconstruit avec beaucoup de précision et de clarté les idées reçues sur la prison et évoque dans la foulée des perspectives pour que les choses évoluent. Il peut se rapprocher du travail de Guillaume Poix dans ce roman, qui restitue bien toute la complexité (et la violence) des établissements pénitentiaires à travers ses personnages.
Sébastien Paley