Didier Castino choisit dans son dernier roman de questionner notre condition à travers la prison et la fin d’une peine. Il y parvient à travers un personnage ambigu et en utilisant son expérience personnel en milieu pénitentiaire. Une expérience qui donne un côté réaliste au roman.

Dans L’Application des peines un homme sort de détention et s’apprête à raconter son expérience. Celle de la prison qu’il connaît sur le bout des doigts. De la solitude omniprésente aux amitiés naissantes en passant par un nouveau rapport au monde extérieur construit au fur et à mesure à travers ses différentes incarcérations.
Édouard fera de la prison cinq fois et lorsqu’il raconte sa sortie en 2006 au début du livre, il s’agit de son dernier passage. Par le biais d’un dialogue avec Hervé, un écrivain qui vient faire des ateliers d’écriture en milieu carcéral, le personnage d’Édouard dévoile en sous-texte toute la difficulté de recomposer avec un monde extérieur dont il s’est éloigné. Une cellule familiale qui a changé et qui porte un regard différent sur son incarcération selon les membres. Mais Édouard a aussi des réflexes de truand difficile à oublier et lorsqu’il sort c’est loin d’être évident pour lui de se détacher de son passé. Il revient vers des activités illégales malgré tout et a du mal à s’en détacher.
Didier Castino part de son expérience personnelle dans ce roman et cela se sent. Il se rend dans les prisons régulièrement pour animer des ateliers autour de l’écriture et il part de cette matière pour écrire ce dernier livre. Une matière au plus près du réel pour sonder les relations humaines et pour donner corps à ses personnages. Le dialogue qui s’instaure entre le détenu et l’écrivain dans le roman c’est aussi une façon pour l’auteur de se poser la question de la réinsertion, du sens que cette réinsertion a dans une société qui ne porte aucune (ou très peu) de réflexions sur ces questions. Le personnage d’Édouard ambivalent sur bien des aspects questionne son retour à une vie en dehors de la prison. C’est aussi pour lui l’occasion de s’attarder sur les différents rapports qu’il entretient avec sa famille et plus globalement avec autrui. La relation avec son père est touchante et toute la retenue de ce dernier aussi même si les deux s’éloignent et que sa mère est obligée de prendre le relais. On sent que l’auteur apporte un soin tout particulier aux tournures de ses phrases, aux dialogues qui font raisonner les voix d’Édouard ainsi que les personnes qui l’entourent. Ce texte ouvre plutôt des perspectives et l’on se demande par exemple quelle place pourrait avoir la parole dans un monde comme celui-ci. On notera le traitement du personnage d’Édouard qui sort le lecteur de sa zone de confort je trouve (notamment lors de ses sorties racistes) et qui en même temps le questionne sur bien des aspects. L’Application des peines est un roman complexe qui questionne notre rapport au monde bien au-delà de la prison, et sans donner de réponse toute faite.
Sébastien Paley