L’exploitation en salles limitée à une semaine de Sign o’ the Times en version IMAX permet de revenir sur un film de concert captant Prince à son sommet créatif et scénique.
Avant de bénéficier d’une exploitation limitée en IMAX, Sign o’ the Times est un classique du film de concert. Au départ, il y a bien sûr l’album du même nom, un exemple (avec London Calling) d’un artiste faisant son White Album… mais un White Album réussi d’un bout à l’autre.
Avec entre autres un morceau titre qualifiable côté texte de morceau à la U2 de Prince, avec son attaque contre Ronald Reagan et son tableau de la culture de la drogue et de l’insécurité vécues par la partie la plus pauvre de la communauté noire de son pays sous le règne du Républicain. Un morceau qui, avec When Doves Cry et Kiss, représente de la manière dont Prince a « redonné » aux années 1980 l’art du chef d’œuvre minimaliste à la Sex Machine/The Payback.
Porté par une tournée sur le continent ayant fortement marqué ceux et celles qui ont eu la chance de décrocher leur billet, l’album marche bien en Europe. Mais ses ventes ne décollent pas aux Etats-Unis. Prince décide alors de tourner un film de concert pour promouvoir l’album à domicile. Peine perdue : en dépit d’un bon accueil critique, il sera un flop en salles. Sa sortie VHS en 1988 est en revanche un succès.
Le film devait à l’origine être constitué d’extraits des concerts de Rotterdam des 26 au 28 juin 1987 et de celui d’Anvers du 29 juin. Insatisfait, Prince décide de refilmer à Paisley Park (et d’y filmer aussi les intermèdes du concert). Selon le saxophoniste Eric Leeds, cette dernière partie représente 80% du contenu du film. U Got the Look est ici une reprise du vidéoclip et des classiques princiers pré-Sign o’ the Times joués live ont été écartés du film. Hors l’album, on trouve juste ici un bout de Little Red Corvette, un bout de Rockhard In a Funky Place (futur titre du Black Album) pendant I Could Never Take the Place of Your Man et une reprise de Now’s the Time de Charlie Parker par le groupe sans Prince.
Malgré cela, le film est un superbe témoignage d’un Prince à son sommet scénique et créatif. En ouverture, des enseignes évoquant Pigalle et un Manhattan interlope. Soit un avant-goût du décor du spectacle. Puis un homme, deux femmes, une dispute chorégraphiée façon spectacle musical de Broadway et Prince qui espionne. Puis début du concert.
Plus de The Revolution ici, place au Lovesexy Band. Avec comme révolutionnaires rescapés le clavier de Doctor Fink, le saxophone d’Eric Leeds, la trompette d’Atlanta Bliss et les danseurs Wally Safford et Greg Brooks. Et rayon nouveaux arrivant la batterie de Sheila E., Cat Glover comme danseuse, le clavier de Boni Boyer, la basse de Levi Seacer, Jr. et la six cordes de Miko Weaver. Des danseurs et musiciens rappelant qu’en dépit de sa mégalomanie Prince fut toujours l’antithèse de Tom j’ai peur que quelqu’un d’autre me fasse de l’ombre Cruise.
Le Lovesexy Band est en effet ici autant l’attraction du concert que le frontman. Charisme fou de Cat Glover, énergie de Sheila E. à la batterie, Fink et Leeds fidèles à la force de leurs prestations scéniques du temps de The Revolution… Des intermèdes liés au sujet des morceaux (la discussion de comptoir de I Could Never Take the Place of Your Man) côtoient une arrivée de tambours à la fin de Sign o’ the Times.
Et Prince bien sûr. Le meneur d’une revue héritée de celles de James Brown. Excellent danseur, guitariste hors pair, performer se mettant en scène comme objet de désir des femmes. Et une fin miroir de l’ouverture du film avec Sign o’ the Times : The Cross, superbe morceau à retardement, toujours le tableau du ghetto… mais avec cette fois un côté mystique.
Si le film Sign o’ the Times est réussi, c’est parce qu’il ressemble au Prince de la grande époque : un assemblage hétérogène finissant par fonctionner.
Ordell Robbie.