Si les récentes adaptations de Stephen King, en série TV ou au cinéma, ont été plutôt qualitatives, L’Institut renoue, lui, avec les sombres années où les meilleurs romans ou nouvelles du maître étaient transformés en objets terriblement médiocres.

Célébré par les fans mais assez ignoré par la critique, L’Institut, paru en 2019, était un roman intrigant de Stephen King, revenant vers une SF façon Dead Zone, avec un zeste de Shining, et un rappel bien utile des pratiques nazies dans les camps. Un livre à la fois plus tendu, plus efficace que la production habituelle du maître, et rempli de scènes éprouvantes de tortures perpétrées sur des enfants. Un livre par essence difficile à adapter, soit parce que, aux USA, le sort cruel réservé aux jeunes victimes d’une organisation étatique délabrée aussi bien matériellement que moralement allait être difficile à avaler, soit parce que, en Europe, les références à la Shoah pouvaient faire grincer les dents.
N’y allons pas par quatre chemins, l’adaptation – visiblement à petit budget – par MGM+ de L’Institut s’avère un désastre quasi complet : les images sont laides et rappellent les terribles feuilletons télévisés du siècle dernier, avant la révolution de la série moderne, la mise en scène est inexistante, ne créant jamais aucune tension digne de ce nom, le manque de budget est flagrant, alors que le décor de l’Institut décrépit que l’on imaginait en lisant King était fascinant, il n’y a ni logique ni dynamique dans les brèves séquences d’action, ridicules et mal montées, aucun effort n’est fait dans l’écriture pour utiliser la structure en épisodes, ce qui donne le sentiment de regarder un interminable film de 8 heures saucissonné en tranches régulières. Pire, peut-être, la direction d’acteurs est inexistante, tout le monde à l’écran ayant l’air de s’ennuyer à mourir ou de ne pas savoir comment réciter des dialogues affligeants. Regarder la (habituellement) pétulante Marie-Louise Parker (Weeds, de jolie mémoire) avoir du mal à cacher son mépris pour ce qu’on lui demande de faire ici, dans son premier rôle de méchante, est une véritable souffrance.
Et puis il y a ces modifications profondes apportées à l’histoire de King, qui ont été soi-disant validées par l’écrivain, qui a participé à la production de cette horreur : vieillissement des personnages enfantins qui deviennent ici des ados, pour capitaliser sur le succès des séries teen (ont-ils même imaginé proposer une alternative à Stranger Things ? On n’ose pas y croire !), rapprochement géographique des deux fils narratifs – celui de Tim (Ben Barnes, pâlichon) et celui de Luke (Joe Freeman, la seule bonne chose de toute la série) – retirant l’originalité de la construction de l’histoire, limitation au strict minimum des débats moraux et éthiques sur le sacrifice de quelques personnes pour en sauver des milliers (remplacés par les bondieuseries US habituelles, sur le fait que les mauvaises actions condamnent leurs responsables à l’enfer !). Sans même parler des décisions désormais systématiquement incohérentes prises par les personnages à chaque moment critique, et – inévitablement puisqu’on est dans le joli monde de la série TV de bas niveau – ce choix absurde de leur faire poursuivre, dans une saison 2 dont la confirmation est incompréhensible, leur quête d’autres instituts !
À éviter.
Eric Debarnot