[Live Review] Dead Chic et Roxane à la Boule Noire : incantations rock sous la lune parisienne

Enfin ! Après des années à apprécier leurs EP et leur album, et à manquer à chaque fois mes rendez-vous scéniques avec Dead Chic, j’ai pu les découvrir en live, sur la scène d’une Boule Noire bien remplie d’une multitude de fans extatiques qui semblent accompagner régulièrement le groupe. Un signe qui ne trompe pas…

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Dead Chic à la Boule Noire – Photo : Eric Debarnot

Dead Chic, c’est l’un de mes groupes favoris de la scène hexagonale, un exemple que j’aime citer quand des amis se la jouent méprisants vis-à-vis du Rock français : car Dead Chic, c’est l’alliance cordiale entre un chanteur anglais charismatique, Andy Balcon, et un guitariste de chez nous, Damien Félix, sorte de sorcier de la six-cordes, dont il tire des sons lyriques, cinématographiques, plus grands que nature. Et les deux amis sont soutenus par deux autres musiciens talentueux, ce qui confère au groupe une puissance certaine, entre un orgue Farfisa audacieux et une batterie sauvage. Mais Dead Chic, c’est avant tout de l’intensité émotionnelle, donc le genre de truc qui est fait pour la scène. Et après un passage au Hasard Ludique, auquel je n’avais pas pu assister, cette première Boule Noire, qui ne sera pas sold out, mais quand même bien, bien remplie d’un public plus qu’enthousiaste, est une étape importante pour l’accès du groupe à une plus large reconnaissance, bien méritée.

2025 09 07 Roxane Boule Noire (2)À 20h15, il n’y a malheureusement pas encore beaucoup de monde pour écouter Roxane, et c’est bien dommage. Je vais reprendre ici, sans vergogne, une évidence qui en devient presque une banalité, mais Roxane, elle me fait penser à Amy Winehouse. Excusez du peu ! Elle a le même genre de voix soul, peu fréquente en France d’ailleurs – chez nous, on a tendance à préférer les petites chanteuses à voix enfantine, ce qui est quand même assez incompréhensible. Et elle est donc capable d’injecter une belle émotion dans tout ce qu’elle chante. Son set de 35 minutes maintiendra la totalité des spectateurs présents quasi hypnotisés par sa performance remarquable, alors qu’elle ne joue ses chansons qu’accompagnée à la guitare acoustique. On remarquera d’ailleurs l’ami Andy, depuis les coulisses, l’écoutant avec un air de stupéfaction sur le visage : un beau compliment muet de la part de quelqu’un qui est lui-même un grand chanteur… On a envie de revoir Roxane très vite, si possible soutenue par un vrai groupe, car sa voix et ses chansons méritent un écrin plus luxueux…

2025 09 07 Dead Chic Boule Noire (6)Et c’est à 21h05 que Dead Chic entament leur (quasi) une heure et demie de set – car le couvre-feu à 22h30 est impératif à la Boule Noire. C’est Hedonista, le titre d’ouverture de leur premier album, Serenades & Damnation, qui est balancé, comme une horde de fantômes hurlants déferlant dans notre imaginaire grand ouvert. La voix étonnante d’Andy rappelle – et quel compliment de ma part ! – celle de Michael Slattery, l’inoubliable leader de Shoulders (immense groupe texan) qui conduisait une folle parade dans nos âmes au début des années 90. Mais le groupe tout entier est une machine à livrer de l’intensité : en quelques secondes, c’est fait, on est dedans, plongé dans la marmite bouillonnante des sorciers de Dead Chic. Et comme sur l’album, on enchaîne par l’évidence irrésistible de Fortune, qui nous fait tous chanter comme des marins ivres égarés dans un désert qui creuse leur soif.

Petit détour par la salle de bal d’Aphrodite (pardon, The Venus Ballroom) pour un autre incontournable, You Got It, blues chaloupé et romantique, parfaite illustration de l’essence de la musique de Dead Chic. Autour de nous, le public est déjà à fond, et sur scène, les musiciens, qui semblaient initialement un peu tendus, se laissent insensiblement aller, commencent à visiblement prendre du plaisir dans cette communication avec une salle qui, il est vrai, leur était totalement conquise : rappelons que, le même soir, il était possible d’aller écouter Throwing Muses à la Marbrerie, mais une rapide enquête sur le trottoir avant d’entrer dans la salle révélait que pour les gens qui étaient ici, il n’y avait pas photo… Comment ne pas préférer passer une soirée à hurler avec les coyotes dans un désert magique, à sentir son cœur gonflé au point d’exploser, à laisser les larmes d’émotion couler, parfois inarrêtables ? La nostalgie a ses limites : l’indie rock du siècle dernier, c’était bien joli, mais écoutons plutôt de la musique audacieuse de notre époque, non ?

2025 09 07 Dead Chic Boule Noire (13)Je ne vais pas, même si l’envie ne m’en manque pas, détailler chacun des quatorze titres joués ce soir, juste revenir sur quelques moments un peu plus magiques. Comme par exemple la ballade bouleversante de All Seasons Change, qui a transformé ma voisine en une véritable serpillière, tant ses larmes étaient inarrêtables. À une autre époque, quand les amoureux dansaient corps contre corps, All Seasons Change aurait été considérée comme un slow parfait pour déclarer son amour (dans la salle de bal d’Aphrodite, justement) : « You change like the weather / You leave like the fall / You change like the weather / You break like the dawn ». Sublime, pas moins, le plus beau moment d’une soirée qui a pourtant été riche en émotions. Et puis la chanson la plus entraînante de Dead Chic, leur Ballad of Another Man, la preuve que le Rock ambitieux, torturé, peut aussi se décliner de manière évidente, sans purisme inutile.

On notera aussi une interprétation inattendue, acoustique et en duo (Andy – Julien), de la puissante Pain Love Joy, suivie par la très populaire Manchester (apparemment la chanson la plus streamée du groupe, et la mélodie du refrain est en effet parfaite). Et un final dantesque avec une version folle de The Belly of the Jungle, qui permet à Mathis de montrer quel sorcier des claviers il est, et à Rémi de frapper comme un sauvage sa batterie… avant un final hystérique, façon Garage Punk.

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Et c’est fini. Même si j’aurais aimé qu’ils osent l’audacieux ¿Cuánto cuesta?, et aussi que la version jouée ce soir de Too Far Gone soit aussi habitée qu’à l’époque de la Bastion Session. Mais il était sans doute difficile à Andy d’être trop dans la douleur alors que le groupe était si visiblement heureux de cette soirée en forme de reconnaissance publique (même encore limitée…).

En tout cas, j’espère que c’est là une étape de franchie pour ce grand groupe sur la route d’un succès public plus conséquent que celui qu’ils ont rencontré jusqu’à présent, en dépit de critiques généralement très positives. En tout cas, vous savez ce qui vous reste à faire quand Dead Chic, qui sillonne la France, passera près de chez vous.

Texte et photos : Eric Debarnot

Dead Chic à la Boule Noire
Production : Sanguine
Date : le 7 septembre 2025

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