Pour clôturer l’été en beauté, revenons sur un disque inclassable, sorti sous la forme d’un tryptique, un vinyle 12 Pouces, assorti d’un fanzine, qui se finalisera avec l’ajout de deux titres le 19 Septembre à insérer dans l’album. Depuis Lausanne, le trio délivre une musique totalement protéiforme, une odyssée sonore influencée d’une pléthore d’artistes, d’écrivains et de plasticiennes.
L’approche la plus empirique de la culture fonctionne comme la terminaison temporaire d’un réseau d’éléments interconnectés, tel un récit qui prolongerait et réinterpréterait sa signification précédente, en désamorçant la notion de création originelle. Torpedo ne considère pas la musique comme un produit fini, mais comme la continuité initiée d’un acte créatif spontané, inné, hérité de la nature. D’ailleurs la thématique centrale s’articule autour des éléments constituant le réel, dimension que nous percevons comme une déformation. Fondé par Carro Loubère et Jay Liseron en 2016, le premier signal musical est déjà revendicatif, poétique et réaliste.
SOME WOLVES aurait pu être écrit dans le texte par Henry David Thoreau, sur la toile, les couches de peintures s’étiolent, à la voix parlée se succèdent des litanies dont l’emprise est totale, le tempo grimpe et se désarticule dans un chant incantatoire où les instruments se diluent, entre noise et psychédélisme. Par moments, on pense à Swans, même si ONW déballe ses blasts rythmiques et son thème mélodique à la façon d’un Link Wray sous acide. Ce qui est notoire, c’est l’étrangeté globale qui parcourt l’ensemble des compositions, avec ses interludes de drones, jusqu’au titre final NOISE, prélude à une suite bruitiste, acmé sonore dont la bascule s’arrête brutalement.
Seule subsiste cette interrogation, sommes-nous arrivés au bout de nous-mêmes ? De quel côté se placer afin de concéder notre vanité aux astrologues qui se targuent de lire dans l’avenir ? Ces devins de pacotille qui jamais ne regardent en arrière pour admettre leurs erreurs. Au-delà du thème naturaliste de Torpedo, s’ensuivent d’autres sujets emblématiques que le trio affectionne : voyage de l’âme, célébration poétique de la nature, recherche thérapeutique d’une libération du corps.
Le disque s’écoute accompagné d’un livret papier que le groupe a conçu comme guide. Avec le revival du vinyle, les produits dérivés trouvent leur place dans l’objet initial, ainsi l’impression de consolider la nature intrinsèque de la musique.
Franck Irle
Torpedo – What the fucked do we all do now ? Lights
Label : Broken Clover Records.
Date de sortie : 27 Juin 2025