Marin Fouqué donne la réplique à Samira Negrouche dans ce court récit sur les trajectoires de vie des deux auteurs. Pente raide est un texte percutant qui déstabilise par sa forme et en même temps qui emporte le lecteur par son ton et les thèmes qu’il aborde.

Ce petit livre débute dans la fameuse pente du titre, avec pour seule constante un soleil qui cogne et qui tape fort sur cette pente d’une ville du sud. Un soleil qui cogne comme les mots des deux auteurs, deux voix qui alternent tout du long et que l’on s’apprête à découvrir.
On passe d’un monologue à l’autre. Samira Negrouche d’un côté parle de ses origines et de la relation franco-algérienne entachée par un passé colonial, des tensions et des non-dits entre les deux pays. Et au milieu il y a des familles qui traînent des boulets d’une génération à l’autre. Marin Fouqué de son côté vient de Seine-et-Marne et dans un autre registre n’a pas choisi non plus de porter le poids de cet héritage. Une histoire qui ne lui appartient pas, mais qui l’a forgé. Et il compte bien se défaire de ce silence avec les « poings dans les poches » qu’il a du mal à contenir.
Ça n’est pas évident au début d’entrer dans le livre et dans ces deux monologues, mais une fois embarqué on prend les lignes comme des uppercuts. Il se dégage clairement une forme de poésie particulière au fil des pages. Des pages dans lesquelles la colère affleure. Le mélange de poésie et le travail sur la langue détonne et quand on passe au-dessus du côté déstabilisant, on se laisse embarquer par les évocations des deux auteurs.
Deux monologues qui ne se répondent pas forcément, mais qui brassent les mêmes thèmes. Un racisme qui date de plusieurs générations, un silence dans les familles sur un passé colonial, des solitudes aussi face à toute cette violence. La guerre n’est jamais loin et même si les auteurs ne l’ont jamais faite elle les a construits aussi.
On ressort surpris de ce court texte percutant et en même temps avec l’envie de le relire pour saisir des passages, saisir des jeux de mots. Il se lit quasi dans un souffle et mérite que l’on y revienne car c’est une lecture qui résiste. Une singulière découverte de cette rentrée littéraire.
Sébastien Paley