Margo Price – Hard Headed Woman : retour au pays de la country

Avec son nouvel album, Margo Price revient à la country pure et dure après ses échappées pop. Signe fort : un Stetson en couverture, un héritage revendiqué et des chansons qui résonnent comme autant de manifestes, entre hommage aux grandes figures du genre et affirmation d’une voix libre et têtue.

Margo Price 2025
© Yana Yatsuk

Etonnante Margo Price : voilà un disque de country que l’on n’attendait pas vraiment de sa part. Midwest Farmer’s Daughter, en 2016, avait marqué les esprits en proposant un exercice de country qui semblait fait pour les fans d’Emmylou Harris, avant de progressivement s’aventurer sur des terrains plus pop qui ont culminés avec Strays en 2023, album produit par Jonathan Wilson qui n’avait plus grand-chose à voir avec la country traditionnelle. Deux ans après, c’est le retour en arrière, et on le comprend dès la pochette : Margo en Stetson, Margo à cheval, les intentions sont claires.

Hard Headed WomanPour situer sa position actuelle dans le milieu pour un public français généralement peu friant de ce style de musique, elle a été adoubée récemment par Joan Baez lors d’un concert à San Francisco au cours duquel elle a joué avec Rosanne Cash, Bonnie Raitt, Lucinda Williams ou Emmylou elle-même. Comme un vrai passage de témoin entre deux générations, et l’album, autant le dire tout de suite, est totalement à la hauteur de cet impressionnant patronage.

Après un bref prélude qu’elle utilise pour prévenir qu’elle est une femme têtue (I’m a hard-headed woman, and I don’t owe ya shit, ok on voit l’idée), Don’t Let The Bastards Let You Down est intéressant par son histoire : le titre est repris d’une chanson du même titre de Kris Kristofferson inspiré d’une citation de la Servante Ecarlate de Margaret Atwood. Plusieurs années après la sortie de la chanson, Kristofferson avait murmuré la phrase en soutien à Sinead O’Connor au moment où elle était huée par le public du Madison Square Garden pour avoir déchiré une photo du pape précédemment. Margo Price s’inscrit donc dans une tradition de résistance : « Don’t let the bastards get you down / Don’t let ’em beat you up and bruise your pride / Don’t give yourself to common clowns / Don’t let the bastards get you down » (Ne laisse pas les salauds t’abattre / Ne les laisse pas te cogner et blesser ta fierté / Ne te donne pas aux bouffons ordinaires / Ne laisse pas les salauds t’abattre). Démarrer son disque par un tel titre dans les temps actuels ça a du sens, surtout quand on joue un style de musique à priori plutôt conservateur.

Le titre est coécrit par Rodney Crowell : la Miss a des relations. Les autres ont généralement co-écrits avec son mari Jeremy Ivey, qui joue par ailleurs du piano et de la guitare. La première ballade, Close To You, avec sa guitare espagnole est renversante, et est le premier moment marquant du disque. Même dans une pure chanson d’amour, elle n’oublie pas de glisser une touche sur l’état de l’Amérique : « We played the jukebox while democracy fell « . Cette ballade  est suivie par Nowhere is Where, du même niveau, ce que la country peut offrir de plus beau. Losing Streak a une vibe Rolling Stones plus qu’évidente : Exile On Main Street n’est pas loin, nous ne sommes pas surpris de découvrir dans les crédits du morceau le vénérable Chuck Leavell, leur pianiste depuis les années 80. I just don’t give a damn a, quant à elle, la première touche funk de l’album, portée par les cuivres. Wild at heart joue la carte latino, et, si l’on comprend bien, Margo Price se rappelle ses jeunes années à Nashville : « This place holds a lot of memories / A lot of ghosts in the bathroom stalls / A lot of faces, we used to see / Now they don’t come around at all » (Cet endroit renferme beaucoup de souvenirs / Beaucoup de fantômes dans les cabines de toilettes / Beaucoup de visages qu’on voyait souvent / Maintenant, ils ne viennent plus du tout). Pour clôturer l’album, Kissing You Goodbye est un country rock comme Linda Ronstadt aimait les interpréter, avec une pedal steel très présente.

Par cet album, Margo Price reprend sans conteste sa place parmi les auteurs compositeurs les plus passionnants de la scène country. Nous attendons maintenant avec impatience une tournée qui lui permettrait de tenter de conquérir une partie du public français.

Laurent Fegly

Margo Price – Hard Headed Woman
Label : Lona Vista Recordings / Concord
Date de sortie : 29 août 2025

 

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