Plus connu pour ses récits de science-fiction ou d’action, Dominique Hé, nous offre, à 76 ans, un merveilleux récit autobiographique, celui de ses débuts dans la bande dessinée, en alliant humour et sincérité.

Le jeune Dominique Hé débarque en 1971 à Paris. Il se croit peintre, mais est recalé au concours des Beaux Arts. Il démarche quelques galeries parisiennes, sans succès, et abandonne définitivement chevalets, peinture et pinceaux. Il tente l’architecture, subit un nouvel échec, pour s’inscrire, plus humblement, au cursus de décors de théâtre de la faculté de Vincennes.
Si Dominique Hé possède une bonne mémoire ; tout est vrai, nous assure-t-il ; il reconnait aussi sa subjectivité. Sa mémoire peut être partielle. Sa description de la folie quotidienne d’une université révolutionnaire, les braises de mai 68 sont encore vives, est extraordinaire. Pour régler son loyer, il devient gardien des clefs de l’atelier universitaire. C’est ainsi qu’il découvre, au hasard d’une porte ouverte – mais est-ce seulement par chance ? – le cours de bande dessinée du grand Jean Giraud.
Ce cours est peu suivi. S’ils sont peu nombreux, l’assistance est de qualité. Serge Le Tendre, François Dimberton et Régis Loisel font partie des fidèles. Giraud sait manifestement susciter des vocations, qu’il aidera à grandir. Afin de travailler ses décors, Hé est invité à rencontrer Philippe Druillet, un expert absolu dans le domaine, puis, pour mieux croquer ses personnages, il visite Jean-Claude Mézières, un artiste fasciné par les « charnus ». La confiance venant, il dessine ses premières pages sur des scénarios du maître, avant de les présenter aux rédactions de Pilote et de Métal Hurlant. Il est publié et, déjà, peaufine son premier héros : ce sera Marc Mathieu.
Si la révolution a échoué, le monde de la BD n’est plus réservé aux enfants, il est entré dans son âge adulte. La place parisienne fourmille de talents et de créativité. Nouvelles revues et éditeurs spécialisées s’arrachent les jeunes auteurs… Heureux temps ! Tout semble permis. Il décrit ses années d’apprentissage, s’arrêtant sur ses rencontres les plus marquantes, certaines avortent, ce sont ses portes refermées, d’autres, plus fécondes, s’ouvrent sur une collaboration, un album, voire une amitié. L’auteur se lâche un peu, il joue avec les ubris des stars du temps, tels Goscinny, Jacques Martin ou Paul Gillon. Attention, n’attendez de lui aucun scoop malveillant, depuis des lustres, les amateurs de bandes dessinées se moquent de ces petits travers. Au contraire, avec une discrète nostalgie, il se souvient et sourit.
Hé est un puriste de la ligne claire, la véritable ligne claire, souple et précise. Il travaille ses personnages et ses décors, comme le lui jadis appris Giraud. Si le graphiste est sage, le scénariste est plus créatif. Il intègre à ses personnages leur univers graphique. Il sait jouer avec les styles individuels et les influences, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs qui assistent aux prémices de la création de La Quête de l’oiseau du temps de son compère Le Tendre ou à l’appel de la science-fiction, qui accouchera, bientôt, de l’inattendu Moebius.
Stéphane de Boysson
La Porte ouverte
Scénario et dessins : Dominique He
Éditeur : Glénat
120 pages – 23 €
Parution : 27 août 2025
La Porte ouverte — Extrait :
