Notre première occasion de voir sur scène les étonnants Dog Race – avec leur étrange chanteuse -, a été une véritable fête, à peine troublée par les inévitables spectateurs bavards et bruyants du Supersonic. Un groupe à revoir très vite, si possible…

Il y a quelques semaines, paraissait un EP singulier, Return The Day, d’un jeune groupe londonien, Dog Race : le genre de disque qui intrigue tout de suite, d’abord par le chant étrange au premier plan – Katie Healy est le nom de la chanteuse à la voix pour le moins insaisissable -, ensuite par la difficulté de coller la moindre étiquette à ce que l’on entendait sur cinq titres semblant flotter bien au dessus du déferlement des « nouvelles vagues » successives sur le sol briton. Bref, il était impensable de manquer Dog Race lors de leur passage au Supersonic, ce vendredi (leur premier passage à Paris ? A confirmer…).
Comme on parle du Supersonic, il faut être prêt à tout : des lumières ridiculement insuffisantes, et le public bruyant du week-end qui ne manifeste que peu d’intérêt pour la musique jouée sur scène. Sans parler de deux groupes en « première partie » pas toujours au niveau qualitatif espéré. Heureusement, cette soirée que nous attendions avec ferveur et un peu d’appréhension, s’est avérée réussie sur tous les plans, sauf sur celui du public, qui nous aurait presque gâché les plus beaux moments du set de Dog Race avec ses conversations sans gêne…
… Car déjà, les deux groupes français qui ont ouvert la soirée ont été tous deux intéressants. D’abord les Parisiens de Scorie, qui nous ont offert une musique (un peu post punk, mais pas trop, ou alors du côté des Viagra Boys, heureusement) ambitieuse, complexe, portée par de très belles parties de guitare, avec même quelques chansons immédiatement mémorisables. Et puis, Scorie a un chanteur plutôt correct, marquant des points là où s’effondrent pas mal de groupes français. Leur nouveau single, qui vient de sortir, Legitimate Violence, témoigne bien de leur pertinence, même si ce n’était pas à notre avis le meilleur titre de leur set de 35 minutes. On lui préfère le single précédent, The Leash and the Fury, plus mélodique et entraînant, joué en début de set. On attend le premier EP qui devrait bientôt sortir, et on espère les revoir sur scène, d’autant qu’ils ne manquent pas d’humour.
L’humour, c’est aussi ce qui frappe rapidement avec le set des Hossegoriens (plus ou moins) fous de Mosees. Mais seulement après leur efficacité brutale, qui est, elle, évidente dès une intro épileptique (Town Massacre), et qui rendra revigorant leur set de quarante minutes : on lorgne clairement du côté des musiques mi-sauvages (pensez punk hardcore), mi-mélodiques des USA, donc dans un domaine pas toujours original, puisque le groupe se revendique influencé autant par Turnstile que par les Foo Fighters. Ces gens là sont bien sympathiques, et ils cognent dur, très dur. Une partie de leurs fans avait visiblement fait le voyage depuis les Landes pour ce concert, et la bonne ambiance générale a aidé le set à garder une intensité de bon aloi. Bref, pas une minute d’ennui pour nous faire patienter avant Dog Race.
Et c’est à 22h30 que débute le set des Londoniens parfois qualifiés de « post-goth », même si on peine à identifier une influence de Siouxsie chez leur chanteuse, certes capable de montées en puissance lyrique, mais chantant surtout avec des intonations inhabituelles, et un phrasé / rythme assez inédit. Après une intro punky plutôt « classique » (Walk/Sprint), on entre dans le vif du sujet avec un Terror qui positionne bien le groupe : vaguement shoegaze / The Cure musicalement, mais avec des vocaux qui emportent la musique vers une étrangeté rapidement inquiétante.
Il faut dire que, au milieu d’un quatuor de jeunes musiciens anglais au look assez passe-partout, bien de leur époque (en témoigne d’ailleurs le drapeau palestinien accroché au pied de micro du guitariste), Katy, corsetée dans une drôle de robe rouge qui évoque aussi bien une mamie anglaise des sixties qu’une petite fille souffrant de troubles autistiques, détonne. Elle arpente la scène en chantant, d’un air mi-affairé, mi-perdu, en général sans nous jeter le moindre regard : quand elle le fait, son visage cireux, inexpressif, évoque plus un personnage de série B d’épouvante qu’une chanteuse de Rock, même gothique. Brrrr… Et sa voix est réellement stupéfiante, bien plus impressionnante « en vrai » que sur les enregistrements studio.
A noter, et c’est presque un miracle, que, à la demande d’un spectateur filmant le set, le Supersonic a accepté de monter un peu le niveau des lumières : oh, pas beaucoup, mais suffisamment pour qu’on soit (pour une fois) dans des conditions de confort visuel acceptable. Un indiscutable « plus », et une excellente décision, à répéter chaque soir sans hésiter.
Les cinq titres de Return The Day seront interprétés, avec les sommets que sont le lyrique et magnifique Where The Barrel Meets The Badger, et les deux bombes presque pop (déstructurée, la pop, quand même) concluant le set en beauté et dans l’excitation générale (enfin, sauf chez les bavardes et bavards qui n’attendent que le démarrage de la soirée « club », ensuite). D’abord The Leader (à la limite de la synth pop), avec son refrain précieux qu’on a immédiatement envie de chanter avec eux : « I’ve got a meeting with the leader / To find salvation, there is a premium » (J’ai rendez-vous avec votre chef / Pour trouver le salut, il y a un prix supérieur à payer !). Et puis It’s a Squeeze, avec son final hystérique et des vocaux dignes de Sparks ! Mais c’est un titre particulier, où Katy est seule aux claviers et nous offre une performance digne d’une mini-diva, seulement complètement tordue, qui nous frappe le plus : il y a quelque chose d’énorme – et de menaçant – qui rôde derrière la musique plutôt accrocheuse de Dog Race.
Et on a hâte d’en savoir plus. Et donc qu’ils reviennent très vite à Paris.
Scorie :
Mosees :
Dog Race :
Eric Debarnot
Photos : Pierre Tissot (merci à lui !)