Huit années d’attente et une récompense à la hauteur de nos espérances. Préparez vous à enflammer les dancefloors avec l’electro rock des Belges de Soulwax, maitres incontestés en la matière.

Non, vous ne rêvez pas. L’album chroniqué dans ces pages dédiées habituellement à la sainte trinité guitare-basse-batterie s’ouvre aujourd’hui à l’un des monuments de la musique électronique. Mais pas que… C’est là toute la beauté de Soulwax, aka le duo de frangins Stephen et David Dewaele, férus de rock et de métal dont les deux se sont nourris toute leur jeunesse, et de leur nouvel album All Systems Are Lying. Étendard de la scène techno de Gand en Belgique, Soulwax a débuté au milieu des années 90, quand Stephen et David n’avaient déjà pas envie de faire comme tout le monde. Ils ont alors lancé le projet comme un pur groupe d’indie rock, avec un premier album Leave The Story Untold qui fit la fierté de la scène européenne, tant la Britpop ravageait alors tout sur son passage.
Avec un papa DJ, le glissement vers le synthétique était inévitable. Ainsi, c’est au gré des albums et surtout en prenant leurs habitudes aux États-Unis, collaborant avec les plus grands producteurs tels Dave Sardy, Flood et des DJs de renom comme Erol Alkan, tout en s’acoquinant avec James Murphy de LCD Soundsystem, que Soulwax proposent depuis vingt ans le parfait alliage electro + rock. Celui qui fait se rencontrer deux communautés bien souvent hermétiques l’une à l’autre : les clubbeurs et les rockeurs.
Mais le groupe se fait rare. Huit années se sont écoulées depuis la dernière œuvre originale du groupe From Deewee (du nom de leur propre label) et de l’ovni ESSENTIAL, musique très pointilleuse axée sur le seul mot « essentiel ». Quel que soit le costume qu’ils revêtent, les frères ont plus d’un tour dans leur sac. Entre deux albums, nous ont été offerts de nombreux artistes produits sur DEEWEE tels Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, Marie Davidson, James Righton échappé des Klaxons, et d’incroyables remixes, quand passent sous leur doigts agiles les derniers tubes de Fontaines D.C., Wet Leg ou Gorillaz.
C’est donc en cet automne 2025 que nous mettons enfin la main sur un nouvel album de compositions toutes certifiées Stephen et David, qui sont accompagnés maintenant, en live comme en studio, de Stefaan Van Leuven, Laima Leyton et des trois batteurs Iggor Cavalera, Blake Davies et Aurora Bennett. Pour l’expérience live, nous vous en reparlerons après que Soulwax aient pris possession de la Salle Pleyel le 16 janvier prochain. Pour le moment, nous évoquons All Systems Are Lying, recueil de quatorze morceaux qui oscillent entre electro rock, techno et funk synthétique, on en passe et des meilleurs, le vocabulaire nous manquant dans ce domaine, nous les habitués des pogos et autres larsens.
Car c’est là la force de Soulwax, faire fi des frontières et assumer des références éclectiques tout en mettant en avant leur talent de créateurs de sons entêtants, presque hypnotiques avec ce qui fait la « touche Soulwax » : les percussions. Stephen et David se présentent comme des batteurs ratés, et leur goût pour les cadences très marquées expliquent en partie qu’il ne leur faut pas moins de trois batteurs pour assouvir leur passion. Autre point marquant de ce nouvel album : pas une note de guitare électrique, tout ayant été produit sur leurs multiples machines aussi sophistiquées que performantes. Le rendu est pourtant bluffant : Idiots In Love semble sur son refrain être le résultat de riffs saturés, tout comme sur Hot In Sahara et le presque disco False Economy.
C’est bien le tempo qui donne l’âme des titres de Soulwax . Run Free nous fait entrer dans une transe dès les premières secondes, aidé en cela du chant incroyablement fluide et intense (pour ne pas dire sexy) de Stephen Dewaele. On anticipe ainsi déjà avec gourmandise le rendu sur scène quand trois paires de bras viendront marquer le pas de ce nouveau classique du groupe. En matière de hits en devenir, nous rajoutons Gimme A Reason, titre aux veloutes très funky, réhaussé de ces notes de piano qui lui donnent une patine très organique. Suit le robotique New Earth Time, morceau presque dystopique, qui, encore une fois grâce à sa cadence, fait frôler la tachycardie aux auditeurs. Bruits stridents, mécaniques, les références à l’electro dénudée et industrielle du début des années 80 nous enchantent.
Entre deux, on retrouve comme des bribes expérimentales dont ils se régalent : l’intro Pills And People Gone, toute au piano et en écho, avec les voix vocodées, sont comme un envol vers la stratosphère. Meanwhile On The Continent et Dshungel sont des interludes tantôt technoïdes, tantôt planantes, qui enchainent sur des titres beaucoup plus costauds comme Constant Happiness Machne. Trône parmi eux le single éponyme All Systems Are Lying, comme une conclusion tirée tant dans les séances d’enregistrements de ce disque quand le matériel lâchait nos musiciens que dans la vie de tous les jours, entre fake news et intelligence artificielle jusqu’à l’écœurement. Le résultat est un concentré de trois minutes et vingt secondes de pure électro vibrante, dépouillée, presque assourdissante, qui résonne en nous. La fin du disque se fait sur un titre où le chant est parfaitement mis en exergue sur une sonorité très electro pop, Engineered Fantasy, pour clôturer sur une partition de clavier et sans texte, Distant Symphony, toute en douceur, comme pour atterrir après cette odyssée mouvementée dans le monde des systèmes peu fiables, agités, presque traumatisants, mais dont on ne peut plus se passer.
Soulwax continuent de ne rien faire comme tout le monde, et leur volonté de brouiller les pistes avec leurs compositions qu’ils qualifient eux même d’« Electronic Rock Songs », soit deux mondes distincts mais aux frontières pas si hermétiques que cela, fait de All Systems Are Lying un bijou à mettre littéralement entre toutes les oreilles.
Stephen et David Dewaele, en se rendant très présents pour leur public, tant en live avec des tournées aux quatre coins du monde qu’en mode DJ sets quand ils se produisent dans des clubs, festivals ou disquaires, entretiennent le lien avec leur fanbase fidèle tout en glanant au passage des nouveaux venus. La dernière qualité de ces incroyables musiciens est l’authenticité dont ils font preuve, qu’ils soient dans une aréna de plusieurs milliers de personnes ou face à une poignée de clubbeurs, curieux ou aficionados.
A vous de rentrer dans leur système, le seul qui ne nous mente pas.
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Laetitia Mavrel
