Tame Impala – Deadbeat : Le Bad Trip

Loin des débuts psychédéliques, Kevin Parker est devenu une machine pop courtisée. Alors qu’il revient sous Tame Impala pour un disque à priori orienté house/techno, faut-il avoir des craintes autour de Deadbeat ? Peut-être bien plus que prévu.

Photo : Julian Klincewicz

Ouvrir une discussion sur Kevin Parker peut être désormais un exercice périlleux. D’un côté les plus conservateurs lui reprocheront un virage à 180 degrés, loin des deux joyaux rock psychédéliques des débuts, quand de l’autre les plus souples loueront un visionnaire véritable génie de la production. Il faut dire qu’entre Innerspeaker, premier album sous l’entité Tame Impala, trésor chéri des puristes à travers le globe, et le dernier album pop de Dua Lipa dont il est l’un des architectes, l’australien a fait le grand écart.

Pourtant tout ce cheminement n’est pas le fruit du hasard mais une conception de la musique mûrement réfléchie et assumée par le principal intéressé. Dès le second album Lonerism, lui aussi unanimement salué, Parker parle de ses envies de « cheesy », de travailler avec Kylie Minogue ou Beyoncé. Où l’on sent il est vrai déjà une évolution sonore vers quelque chose de plus accessible, d’une faculté à concevoir des tubes indie plus académiques, tout en conservant cette patte lo-fi, psyché-pop. La véritable mutation arrive sur le non-moins excellent Currents mais où les synthés remplacent les guitares. Le son se veut plus électronique, un peu discoïdale sur son aspect groove que ne fera que confirmer The Slow Rush ensuite.

Si les trois premiers disques forment une sorte de trilogie intouchable, le dernier cité a commencé en a fait tiquer quelques uns. Lesquels trouvent la formule paresseuse, loin de l’étincelle créatrice des prédécesseurs, voire regrettent clairement la tournure des événements et le délaissement des aspérités rock. Il faut pourtant bel et bien faire le deuil de ce Tame Impala ci et Deadbeat en est l’ultime clou du cercueil.

Là encore pourtant on ne peut pas reprocher à Kevin Parker de ne pas la jouer franc-jeu. Dès le communiqué de sortie de ce nouvel album, il annonce la couleur décrivant ce projet comme résolument techno/house, directement influencé par la culture bush doof et les rave parties australiennes. Le premier single End of Summer donne clairement le ton avec une longue plage électro très lancinante, répétitive, sorte de redite de la structure de l’immense Let It Happen, la magie en moins. Dans l’esprit et la démarche artistique, pourquoi pas. Sauf que le résultat sonne très creux, sans relief et ennuyeux. En étant un peu taquin, on a l’impression qu’une I.A. a récité une demande « fais un morceau de Tame Impala qui sonne techno ».

Fort heureusement, les deux autres morceaux publiés en éclaireur sont d’un autre acabit. Loser puis Dracula (sorte de Thriller 2.0) ressemblent un peu plus à l’idée que l’on se fait de ce qu’est la musique de Parker en 2025. Pas des monstres d’originalité et d’inventivité mais des titres indie-pop très propres sur eux et bien produits. Un minimum syndical pour un garçon de ce talent à priori. Et bien il faudra se contenter de ces minima là car la suite des aventures vire à la catastrophe.

Qu’on se tienne pour dit, avec tristesse mais lucidité, Deadbeat n’est pas bien. Voire pas bien du tout. L’artefact « disque de festival transcendantal » est à la fois mal réalisé et non tenu. Outre le sus-nommé End of Summer, on peut entrer dans cette case en tout et pour tout trois titres : No Reply, Not My World et Ethereal Connection. Ce qui fait peu pour un fil conducteur. Et sur ces trois, seul le dernier tient véritablement la route quand les deux autres brillent par leur platitude à la limite de l’exaspération. Le pire ? C’est que ce n’est même pas le pire.

Ci et là, Deadbeat est parasité par des morceaux qui confinent au ridicule. Un adjectif impensable pour qualifier la musique de Tame Impala il y a encore quelques années. Mais entre la rythmique latino gênante d’Oblivion, la guimauve dégoulinante de Piece of Heaven et le faussement R&B/pop Obsolete (que son outro ne peut pas totalement sauver), la coupe est pleine. Littéralement bouche bée, on en vient même à se demander si tout ceci n’est pas une mauvaise farce. Le manque d’inspiration est criant, on est sur un coup de la panne sévère. Pas besoin d’entrer dans les détails des textes, rien de cryptique, rien d’intéressant, circulez messieurs dames il n’y a rien à voir.

Outre Loser et Dracula, sauvons quand même les bonnes idées que sont l’introduction My Old Ways et Afterthought (qui dans un autre monde serait tout juste acceptable..) mais aucun d’eux n’a les épaules pour venir se greffer dans une playlist best of. Impossible surtout de se contenter d’un tel ratio, le curseur d’exigences envers Parker se doit d’être, logiquement, tout autre. C’est une douche froide, il n’y a pas d’autre mot.

Le propre d’un artiste est d’évoluer, de se renouveler et en ça, voir Tame Impala devenir autre chose que l’entité psyché vintage de jadis n’était clairement pas un problème. Seulement, la mue connaît ici de grosses limites et n’a pas de quoi rassurer sur la suite. Gageons qu’un rat de studio génial comme lui saura rebondir, changer de paradigme et renaître de ses cendres. Que l’on soit sur l’accident de parcours et non sur la destruction totale de la machine.

Alexandre De Freitas

Tame Impala – Deadbeat
Label : Columbia
Date de sortie: 17 octobre 2025

1 thoughts on “Tame Impala – Deadbeat : Le Bad Trip

  1. étant fan incontestable de kevin parker, je vous rejoins sur vos commentaires mais pas tout à fait quand même. les morceaux acid music sont certes décevant au grand damne. mais vous y allez fort sur les géniaux morceaux comme my old ways et piece of heaven. je les trouve sublime et je reconnais là toute la délicatesse de ce créateur genialissime. c’est d’abord un être avec beaucoup de finesse et on le ressent ici. votre analyse est écrasante je pense que kevin ne mérite pas ça. vous auriez pu juste dire que ce n’est pas votre tasse de thé…..
    a bon entendeur.

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