Huit ans après son dernier opus, Ariel Pink signe son retour avec un album bricolé, introspectif et résolument minimaliste. Loin du chaos médiatique qui l’a isolé, l’excentrique californien prouve qu’il n’a rien perdu de son audace ni de son goût pour les sonorités tordues.
Après avoir rendu un vibrant hommage à Bobby Jameson, le destin s’est acharné sur Ariel Pink, contraint de quitter Mexican Summer et de laisser derrière lui un Haunted Graffiti en lambeaux. Persona non grata du gratin musical, à la suite de déclarations outrancières et de points de vue totalement erronés, l’American Freak se retrouve seul face au monde et à ses détracteurs. Le sujet d’un nouvel album prêtait jusqu’ici à confusion : quelles étaient les intentions de son auteur ?
L’autre question qui pouvait se poser était la suivante : pourquoi faire la promotion d’un disque sorti en septembre, injustement mis au rebut ? Les changements internes justifient de faire les louanges d’un album dont l’analyse suffit à séparer l’artiste du zélateur cramponné à des idées rétrogrades. Passons sur ces défauts.
Le budget attribué à ce nouvel album ayant été considérablement réduit, cela n’a pas pour autant empêché Ariel Pink de se comporter comme un enfant désobéissant. Prolongeant l’esprit old-school de sa discographie, avec un procédé répondant à des impératifs purement solitaires, Ariel réussit l’impossible avec Life Before Today, titre totalement élastique dans son approche synthétique, s’éloignant de Everyone’s Wrong, publié en avant-première de l’album. La contrition ne s’invente pas, et devant les regrets d’une démo restée lettre morte, il aura fallu huit ans pour qu’enfin quelque chose de finalisé puisse voir le jour. With You Every Night se rapproche de l’album Mature Themes par sa clarté, le côté lo-fi étant relégué à l’arrière-plan. Au demeurant, l’album devient un agréable compagnon de voyage. I Wanna Be a Girl, précédemment enregistré en tant que single et réintroduit dans le disque, ne manque que d’un brin de mordant pour happer entièrement l’oreille.
De basses dégoulinantes en guitares modifiées, les caractéristiques discordantes d’Ariel Pink se rapprochent de celles de John Maus. Toutefois, les effets sur le chant sont beaucoup moins présents : l’idée est de ne pas travestir la transmission des thématiques dans lesquelles son auteur essaie de se refaire une place. Néanmoins, les bidouillages sonores détraqués sont préservés. L’équilibre précaire des compositions renvoie aux origines des premiers jours d’un compositeur sorti de ses propres contradictions. La voix d’Ariel Pink est comme une pastille dont l’effet est durable : on reconnaît la patte du bonhomme.
L’originalité d’Ariel Pink réside dans le fait de simplifier, d’épurer sa musique pour en garder cet aspect minimaliste. Promesse tenue : With You Every Night change des sempiternelles parutions post-machin. On ne peut qu’apprécier cette nouvelle livraison, tant attendue, preuve qu’avec le temps, la musique peut se bonifier.
Franck Irle
Ariel Pink – With You Every Night
Label : LAC Records
Sortie : 12 Septembre 2025