« Folcoche » d’Emilie Lanez : un matricide déguisé en classique de la littérature

Folcoche, ce nom a marqué des dizaines de milliers d’élèves qui ont eu à lire Vipère au poing à l’école depuis la fin des années 40. Hervé Bazin était celui qui dénonçait cette mère maltraitante en racontant cette enfance cauchemardesque. Emilie Lanez, journaliste à L’Express, a mené une enquête irréfutable qui démonte le mythe.

LANEZ.Emilie
© JF PAGA

Folcoche, ce mot-valise connu de tous, composé de « folle » et de « cochonne », utilisé par l’auteur pour décrire la mère (sa mère) dans le roman autobiographique Vipère au poing. Hervé Bazin a toujours soutenu qu’il avait passé une enfance maltraitée sous le joug d’une mère tyrannique et monstrueuse.

folcocheÉmilie Lanez est grand reporter à l’hebdomadaire L’Express. Menant des enquêtes de fond, elle s’est intéressée à cette mère bourreau et à son célèbre fils écrivain, auréolé de succès jusqu’à devenir président de l’académie Goncourt. Elle a accompli un travail titanesque en épluchant les archives de la police et des hôpitaux psychiatriques. Elle a rencontré les descendants de la famille Hervé-Bazin, a obtenu des témoignages accablants et concordants.

Tout est faux, tout n’est que mensonge et trahison. Jean Hervé-Bazin, de son nom de naissance, n’est pas celui qu’il a voulu faire croire. Malhonnête, menteur, voleur, cambrioleur de la maison familiale, monteur d’arnaques aux mandats postaux, il a réussi l’exploit de camoufler quinze années d’errance, de délits et de périodes d’emprisonnement pour atteindre la célébrité, obtenir la reconnaissance de ses pairs et être promu Grand-officier de la Légion d’honneur.

Contrairement à la version officielle selon laquelle Vipère au poing aurait été un roman écrit en quelques mois peu avant sa parution, Émilie Lanez présente dans Folcoche un faisceau d’indices tendant à prouver qu’Hervé Bazin l’aurait écrit durant son incarcération de deux années à Clairvaux durant la guerre. Après avoir été mis sous tutelle et écarté de l’héritage familial suite à ses multiples délits et son incapacité à mener une vie honnête, l’auteur est devenu fou de rage et avide de vengeance. Il a alors écrit Vipère au poing pour punir ses parents et sa fratrie.

Certes, sa mère n’était pas un modèle de tendresse et son père s’intéressait plus à l’entomologie qu’à ses enfants. Mais les courriers désespérés adressés par les parents aux différents juges d’instruction en charge du dossier du rejeton, déterrées par Émilie Lanez dans les archives, tendent à prouver qu’ils se sont souciés constamment de leur fils.

Ils auront préféré le silence à la dénonciation de la turpitude de leur fils. Vipère au poing aura signé leur mort sociale. La mère, Paule, qui aura inspiré Folcoche, la deviendra un peu au fil des ans, plongée dans les affres d’une vie désargentée, rejoignant ainsi son double fictionnel et donnant ainsi presque raison à son fils.

La lecture de Vipère au poing est encore maintenant un passage presque obligé pour tous les collégiens. Qu’en sera-t-il désormais ? Comment comprendre désormais ce roman qui n’est que mystification dont Hervé Bazin a usé pour cacher son passé plus que douteux ?

Les éditions Grasset ont l’élégance de publier cette enquête à charge contre un auteur qui aura fait partie de son catalogue. Bernard Grasset a appuyé la publication de Vipère au poing en 1948. Que savait-il réellement du passé de l’auteur ?

Folcoche se lit comme un polar dont on connaît la fin : le fils prodigue invitant la presse à assister à l’agonie de la mère sur son lit de mort, tel un chasseur montrant fièrement sa proie.

« C’est fou comme ce fils et sa mère se ressemblent et se haïssent d’amour. »

Caroline Martin

Folcoche
Enquête d’Émilie Lanez
Editeur : Grasset
192 pages, 19 euros
Date de parution : 1er octobre 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.