Philip Gray décrit le parcours d’une jeune femme dans la Belgique des années 50. Un parcours qui va l’amener à déterrer de sombres secrets dans sa famille. L’auteur réussi à mêler dans « La Maison aux neuf serrures » une intrigue passionnante tout en construisant un personnage attachant avec Adélaïs.
Adélaïs De Wolf, originaire de Gand, grandit dans une famille belge dans l’après-guerre. Son père est horloger et sa mère se rapproche d’une vie monastique d’une bien étrange façon, en s’éloignant de sa fille. Adélaïs se retrouve seule et doit rapidement se débrouiller par elle-même. Elle décide alors de compter sur son oncle Cornélius, une figure importante qui a souvent été là pour elle à l’inverse de son père qui a eu tendance à se laisser prendre par son addiction à la boisson.
C’est donc cette héroïne pas comme les autres que l’on s’apprête à suivre. Une jeune femme combative et maligne, qui n’a pas eu un seul cadeau dans sa vie, à commencer par sa mobilité réduite en raison de la polio dont elle est atteinte depuis toute petite. Elle voit son enfance marquée par la maladie et les secrets de famille qui vont émerger au fil de l’histoire ne vont rien arranger.
En parallèle et au début du roman, un corps est retrouvé dans une maison incendiée de Bruxelles en 1952. Le commandant De Smet, policier taciturne, mais redoutable, doute que la mort de cet homme soit accidentelle. Commence alors pour lui et son compère Toussaint une longue enquête qui vont les mener sur la piste d’un faussaire particulièrement doué. Une enquête qui va s’étaler sur plusieurs années à partir des années 50.
D’un côté le commandant De Smet, de l’autre Adélaïs, deux trames narratives qui constitue ce roman noir particulièrement bien construit. Et les choses vont finir par s’accélérer pour la jeune femme lorsque son oncle Cornélius meurt en 1957 et qu’elle hérite d’une étrange maison qu’elle ne connaissait pas. L’héritage d’une maison qui s’apprête en réalité à être un tournant dans sa vie. Elle va de découverte en découverte et réalise que sa famille n’est pas celle qu’elle prétend être aux premiers abords. Le décor très bien restitué par Philip Gray dans cette Belgique d’après-guerre va immerger le lecteur et l’on suit d’un rebondissement à l’autre le parcours d’Adélaïs et les embûches qui ne manqueront pas de se pointer.
Philip Gray prend le temps de camper ses personnages et on n’est pas dans un simple roman à énigmes comme pourraient le suggérer les premiers chapitres. L’auteur rend son roman prenant et plus complexe qu’il en a l’air pour bien des raisons. Adélaïs tout d’abord qui est un personnage particulièrement réussi. Une jeune femme qui avance coute que coute malgré les imprévus et qui a plus d’un tour dans sac. On découvre au fil de l’histoire la famille de la jeune femme et les casseroles qui vont avec, ce qui donne tout de suite une nouvelle épaisseur au roman. Le rythme est dosé à merveille et on se laisse embarquer avec des passages qui accélèrent, des scènes de dialogues savoureuses. À l’arrivée cela donne un excellent moment de lecture qui restitue à la fois une époque et une enquête tortueuse à souhait.
Sébastien PALEY