[Live Review] Bob Mould et Che Arthur à la Maroquinerie (Paris) : décibels, mémoire et gratitude

Seul sur scène, à 65 ans, l’ancien leader d’Hüsker Dü a rappelé qu’il n’a jamais eu besoin d’un groupe pour déclencher une tempête. Une leçon de colère et d’endurance donnée à une Maro conquise.

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Bob Mould à la Maroquinerie – Photo : Eric Debarnot

Dix-sept ans ! Dix-sept ans que Bob Mould n’est pas venu jouer en France. Et pendant tout ce temps, l’ex-Hüsker Dü et ex-Sugar a réalisé trois albums studios, tous trois intéressants, voire excellents, sans les avoir soutenus par des concerts chez nous. Ce qui explique peut-être le fait que le nom de Bob Mould ne semble plus provoquer beaucoup d’excitation dans les rangs des mélomanes parisiens. Au point où il est presque inquiétant de s’apercevoir que, la veille du concert, la Maroquinerie n’est pas encore officiellement sold out : on ne voudrait certainement pas que ce bon vieux Bob soit frustré de voir une salle à demi remplie, et décide de ne pas revenir avant dix-sept ans. Surtout avec la perspective d’une reformation de Sugar en 2026 !

Heureusement, quand on arrive le soir même à la porte, on nous confirme que les préventes s’approchent des 400 personnes, ce qui nous garantit une salle bien remplie, et un Bob Mould heureux. Enfin, on suppose qu’il ne s’offusquera pas de voir un tapis de têtes grisonnantes devant lui, vu l’âge moyen dans la file d’attente. Il faut dire qu’à la différence des Pixies, par exemple, Hüsker Dü – qui est pourtant l’un des groupes majeurs du mouvement punk hardcore US des années 80 – n’a pas connu de seconde vague de célébrité après sa dissolution, et qu’on se désespère de voir tant de jeunes passionnés de rock froncer les sourcils quand on prononce ce nom !

2025 11 09 Che Arthur Maroquinerie (1)À 20 h, c’est Che Arthur qui ouvre la soirée : comme Bob, il est seul sur scène, mais dans son cas avec une guitare électro-acoustique. Comme Bob, il vocifère des chansons très énervées qu’il enchaîne sans aucune pause. Comme Bob, il est intense et a l’air parfaitement convaincu et décidé. Mais, à la différence de Bob, ses chansons semblent dépourvues de mélodies ou même d’un minimum de « hooks » qui les rendent un tant soit peu attrayantes. Bref, on s’ennuie un peu, malgré toute la sympathie que ce jeune homme inspire. Heureusement, son dernier titre interprété ce soir, Spiraling, est aussi son meilleur, ce qui lui permet de quitter la scène sous des applaudissements qui ne sont pas de simple politesse. Bref, il y a encore du boulot, mais au moins, l’état d’esprit est le bon.

2025 11 09 Bob Mould Maroquinerie (1)On se rend compte d’ailleurs que c’est ce même Che Arthur qui prépare le matériel de Bob avant son set : il semble qu’il lui serve donc de roadie, et on comprend mieux le sentiment de léger mimétisme qu’on a ressenti. À 20 h 55, donc avec cinq minutes d’avance – toujours pressé, Bob ! –, notre idole des années 80-90 foule enfin le plancher sacré de la Maro, saisit sa guitare d’un air légèrement belliqueux et commence à déverser – comme prévu, comme espéré – un flot de décibels sur nous. Bob Mould joue donc en solo à Paris, à la différence d’autres dates où il a un groupe en soutien, ce qui a peut-être refroidi une partie du public potentiel. En tout cas, ceux qui, n’ayant pas assisté par exemple à l’expérience radicale que fut le concert de Sugar au Bataclan en juin 1993, pour le mini-album Beaster, pensent que « solo » signifie « cool » et intimiste, se trompent lourdement. Que nenni ! Avec Mr. Mould, qui n’a finalement besoin de personne pour faire un maximum de bruit et épuiser un demi-millier de spectateurs en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, le set est forcément extrême. Punk un jour, punk toujours, même à 65 ans.

Et d’ailleurs, dès le second titre – enfin, façon de parler, car Mould enchaîne les chansons par paquets de trois ou quatre –, il attaque la discographie de Hüsker Dü, pour le grand plaisir de 90 % des spectateurs présents : Flip Your Wig et I Apologize à la suite, il y a de quoi vous mettre de bonne humeur ! Le son de la guitare déchire les oreilles comme prévu, la voix reste pourtant parfaitement audible, même au premier rang, rien à y redire. Il n’y a guère que les photographes qui ont des raisons de se plaindre, puisque des lumières blanches sont braquées droit sur le public, empêchant la prise de clichés de face pendant la majorité du set ! Il faut attendre que Bob décide d’arpenter la scène en brutalisant sa Fender pour pouvoir le saisir en plein travail !

2025 11 09 Bob Mould Maroquinerie (10)Et tout cela va continuer pendant une bonne heure et quart, quasiment sans répit, juste quelques mots de temps en temps pour maudire Trump et appeler de ses vœux l’indépendance de la République de Californie. On voit quand même que, devant l’enthousiasme général, Mould se détend, et abandonne son air renfrogné assez habituel, pour manifestement prendre beaucoup de plaisir à la soirée : ouf ! Il est content de nous, il reviendra peut-être assez vite ! Du point de vue musical, comme les chansons sont offertes en mode turbo-compressé – Frank Black est un slacker dilettante quand il s’agit d’aligner des chansons sur scène, comparé à Bob Mould ! –, elles gagnent en radicalisme mais perdent évidemment en impact mélodique (car oui, ses chansons sont souvent, sur disque, servies par d’excellentes mélodies).

On l’a dit, la setlist fera la part belle aux titres de la période Hüsker Dü (huit chansons), avec deux seulement de Sugar, les quatorze autres titres joués couvrant quasiment toute sa discographie solo, sans que le dernier opus, Here We Go Crazy, pourtant remarquable, soit mis en avant. Un peu dommage, mais bon, on prend sans rechigner ce que Bob veut bien nous donner. Et comme le set se termine sur un magnifique – et quasiment « tubesque » – Makes No Sense At All, repris en chœur par la grande majorité du public, comment ne pas nous sentir bénis par les dieux du punk rock, ce soir encore ?

Bon, à la sortie, il y avait bien quelques personnes qui ont trouvé ça trop fort, ou trop monotone, ou trop long. Parfait ! C’est que Bob Mould fait encore bien son boulot. En tout cas, nous recommandons à ces mélomanes fragiles d’éviter le retour de Sugar l’année prochaine, car ça pourrait bien être sanglant !

Che Arthur :
Bob Mould :

Eric Debarnot

Leurs derniers disques :

2025 11 09 Che Arthur Maroquinerie AlbumChe ArthurFor That Which Now Lies Fallow
Label : Past/Future Records
Date de parution : 26 avril 2024

 

 

 

 

 

 

2025 11 09 Bob Mould Maroquinerie Album

Bob MouldHere We Go Crazy
Label : Granary Music / BMG Rights Management (US) LLC
Date de parution : 7 mars 2025

 

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