Vincent Turhan livre une belle histoire, sublimant nostalgie douce-amère, scènes d’action et amour du cinéma, où destins croisés et mélancolie s’entremêlent dans une cité balnéaire.

L’été touche à sa fin, les vacanciers se font rares dans la petite cité balnéaire. Dans ce qui pourrait être un film noir, quatre couples vont s’entrecroiser. Alma et Rio, les propriétaires du cinéma local, se sont aimés et se déchirent ; Luz, la jeune ouvreuse, et son ami Scardo, qui peine à se déclarer ; Ramos et Leone, deux flics ripoux et Cisco et Misha, une improbable paire de gangsters, qui préparent un casse. En présentant le casting, j’ai omis la vieille salle de projection, qu’elle me pardonne, car elle tient son dernier grand rôle. Elle rappellera aux cinéphiles la salle du Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore.
Le scénario de Vincent Turhan associe un polar nerveux à une réflexion douce-amère sur le temps qui passe et sur la capacité du cinéma à susciter rêves et rêveries. « J’avais compris comment parfois la nostalgie peut se mêler à l’espoir… afin de retrouver ce qui nous manque… le bonheur de rêver à ce qui fut… « saudade », c’est peut-être ça… »
Alma se prépare à fêter les cinquante ans de Saudade, le long métrage culte qui lui a, jadis, donné l’envie de filmer. Rio était son chef opérateur ; « était », car tout cela est derrière eux. Après un douloureux échec, Alma a renoncé et Rio l’a suivie. Ils ne tournent plus, mais montrent les films des autres.
Vincent Turhan accompagne son tracé à la plume d’une colorisation numérique. Son dessin semi-réaliste est original, ces personnages sont nerveux et très expressifs. Les teintes froides, que l’on croirait tirées de pellicules périmées, accentuent la mélancolie ambiante.
Après avoir attaqué la banque, brutalement, et tenté, maladroitement, de tuer Misha, Cisco se réfugie dans la salle de cinéma. Il y planque le magot … Touché par Saudade, le malfrat pleure, avant de se rendre à la police. Les ripoux et Cisco ne vont pas tarder.
L’histoire ne brille pas par son originalité. Vous avez deviné que tout ce beau monde avait rendez-vous pour une ultime séance. La surprise viendra plutôt des personnages, en particulier de Misha. Nous découvrons que le tueur mutique au faux air de Caïd – l’adversaire habituel de Spiderman – est passionné, lui aussi, par le cinéma. Ses deux scènes, d’abord avec le vieillard, puis avec Alma, sont magnifiques et m’ont laissé le cœur en joie.

Stéphane de Boysson
Saudade
Scénario et dessin : Vincent Turhan
Éditeur : Sarbacane
176 pages – 25 €
Parution : 3 septembre 2025
Saudade — Extrait :

