Affiche cohérente au Supersonic en ce lundi soir bien froid : de la dream pop, du shoegaze, etc. Avec en point d’orgue une fantastique prestation des Américains (et un peu Brésiliens) de Winter, qui méritent amplement d’être bien plus connus.

Connaissez-vous Samira Winter, et son groupe Winter ? Non ? Eh bien il n’y a pas si longtemps, nous non plus ! Nous étions même passés à côté de l’hommage affirmé que lui rendait KIM sur son double album Aba Gama (Song for Samira Winter). Et pourtant, en arrivant tôt dans un Supersonic – pour assurer la place au premier rang, bien entendu -, nous sommes surpris de voir la salle déjà bien remplie de fans du groupe US indie / shoegaze / dream pop, qui vont attendre patiemment pendant les sets des deux groupes de première partie pour pouvoir déclarer leur flamme à la pétillante Samira, originaire de Curitiba au Brésil (c’est important !)…
20h05 : paō est un jeune libanais, exilé loin de Beyrouth et désormais établi à Paris qui, accompagné d’un quatuor claviers / guitare : basse / batterie, va nous jouer 35 minutes de chansons pop mid tempo, qui ont l’avantage de ne pas arpenter les plates-bandes trop piétinées par la plupart des jeunes groupes actuels. Les références sont diverses et discrètes, plutôt sixties a priori : la reprise du My Kind of Woman de Mac de Marco n’est même pas un marqueur fiable, en l’occurrence… Il y a de belles parties de guitare (Rêverie, le meilleur titre du set), quelques montées lyriques généreuses, des mélodies peu évidentes mais dont on imagine que plusieurs écoutes en révèleront la consistance : il y a quelque chose d’intriguant dans la musique de paō (un mot qui, après une courte recherche, semble être d’origine hawaïenne, et signifier « coup ». Pourquoi ?). Le gros problème, c’est que les vocaux, qui devraient être le cœur de cette musique très romantique, sont approximatifs, voire la plupart du temps franchement faux ! Bref, il y a encore du travail en perspective, et surtout la nécessité de prendre des cours de chant, pour arriver à mettre en valeur ce qui semble une belle personnalité.
21h05 : on ne s’attend pas à ce qui nous arrive après : un quatuor féminin français qui donne ce qui est a priori seulement son second concert, et qui va nous bluffer. Dans un genre musical des plus courus, un shoegaze / dream pop plutôt sensible et ralenti, Disarme déploie des trésors d’émotion, immédiatement convaincants. Le chant, retenu, est envoûtant – même si la chanteuse a parfois la tendance à trop marmonner, comme si elle ne savait pas réellement chanter en anglais (!). Il y a quelques belles mélodies, mais surtout un groupe qui peut claquer fort quand il le veut, qui fait preuve d’une maîtrise rare (ce qui tranche très favorablement sur 80% des groupes français programmés au Supersonic !). Le dernier titre monte en puissance dans un registre noisy qui montre que le groupe peut aisément déployer une musique plus agressive, plus musclée, qui aille au-delà de l’intimisme léger et réconfortant de certains titres du set. Un groupe à suivre, puisqu’il n’en est qu’au début de son chemin !

22h : pour ce qui est d’agressivité et de puissance dans le genre dream pop, Winter se pose là, et va nous donner une remarquable leçon de « noise ». Deux guitares et une batterie seulement sur scène… Pas de basse, donc, mais on ne ressent pas son absence, les guitares tissant une toile sonique très serrée et le batteur tapant dur ! Le niveau sonore est nettement plus élevé que ce que l’on entend généralement au Supersonic, les titres sont pour la plupart courts, parfois déconstruits et à la limite de l’avant-gardisme, et la souriante et gaie Samira – qui n’est pas d’origine brésilienne pour rien – place son chant mutin.
La setlist est consacrée en grande partie à l’excellent nouvel album, Adult Romantix, avec huit extraits : on démarre sur le single Just Like A Flower, redoutablement efficace, et on terminera cinquante minutes plus tard avec un énorme Hide-A-Lullaby, tellement renversant qu’on regrette a posteriori qu’il n’y ait pas eu plus de moments aussi forts pendant le set. Grosse réception de la part d’un public de fans déjà conquis, qui vénèrent visiblement Samira.
Un set à la fois radical et rêveur, pop et expérimental : un mix très improbable, qui fait la particularité de Winter. Au point qu’on se dit même que ce groupe, pas très connu, devrait l’être beaucoup, beaucoup plus. Vu l’enthousiasme du public, Winter revient pour un rappel… mais ils n’ont plus rien à jouer. Ils tentent le coup avec un vieux morceau qu’ils n’ont pas interprété depuis très longtemps et pas répété, mais se plantent dans les grandes largeurs et abandonnent à mi-course, Samira n’étant pas dans la bonne tonalité avec sa guitare. Qu’à cela ne tienne, car alors que tout le monde en rit, sur scène comme dans le public, Samira nous offre deux minutes d’une jolie bossa nova, qui clôt donc ce set d’une manière certes décalée, mais finalement parfaitement appropriée pour une telle « outsider ».
Samira Winter ou comment être à la fois adorable et radicale. Ce qui s’appelle – pour nous, assez honteusement – une belle découverte. Antes tarde do que nunca, né ?
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Disarme : ![]()
Winter : ![]()
Eric Debarnot

Winter – Adult Romantix
Label : Winspear
Date de sortie : 22 août 2025
