Lola Montès

affiche_2.jpgCe fut l’un des évènements de l’année écoulée : la ressortie exclusive, et dans la version désirée par son auteur, de Lola Montès, film emblématique, pourtant rejeté par le public et la presse lors de sa sortie en salles, en 1955. Le travail de restauration est à  saluer, et l’idée même que le public français ait accès à  cette oeuvre rarissime dans sa version originale est déjà  une très bonne nouvelle.

Même si le son est chaotique, les couleurs brillent enfin de leur audace pleine et magique. Car en premier lieu, l’oeuvre de Max Ophüls surprend par sa modernité de ton et de mise en scène. Les séquences de cirque situent le film entre le fantastique de Tim Burton et l’imagination visuelle dantesque de Dario Argento (le gore en moins!), tandis que les scènes de jour en campagne rappellent la farce sociale à  la Fellini, (‘humour en moins). Car il y a un côté inévitablement tragique dans le destin de cette courtisane de second plan, montrée comme une héroîne fatale et épique par la caméra grandiose d’Ophüls.
Le travail sur l’espace agrandit à  l’infini un cadre qui semble se passer des bordures et des limites, laissant le hors-champ envahir par-dessus l’image originelle. La démesure des mouvements donne au film l’allure d’une grande fresque qui mélange l’intime tout en se référant aux grands personnages historiques (Roi de Bavière, Franz Liszt), et même si Ophüls se permet des partis pris souvent décalés avec la réalité, comme celle de montrer un Liszt prétentieux et bouffon alors qu’il est justement connu pour son immense culture et son humilité.

La forme, elle, est follement complexe et permet au cinéaste d’exploiter toute la richesse du récit en désamorçant le classicisme d’une narration qui, à  l’époque, était monnaie courante. Lola Montès a donc tout d’une oeuvre révolutionnaire et provocante dans sa manière de mettre pleinement en scène une femme sensuelle, avec une pointe d’érotisme derrière la gentillesse de tout ce beau monde empli d’illusions. Il y a des séquences magistrales, des idées de mise en scène impensables et qui fonctionnent totalement, et surtout un impact esthétique énorme qui, en 1955, terrifiait tout le monde : l’abondance de couleurs improbables, la création d’un décor complexe et saisi dans toute son immensité par la volupté et la mobilité de la caméra, et les apparitions délurées des gens du cirque comme une multitude de freaks incrustés dans un monde où ne règnent généralement que les bourgeois et les grands colliers d’or.
Lola Montès invite donc le spectateur à  être surpris là  où il ne s’y attend pas, faisant rayonner son sujet dans une histoire que l’on sent aussi grande que la vie de Lola. Un film qu’il faut en plus replacer à  son époque pour comprendre qu’il provoqua des réactions rageuses et exaspérées. Aujourd’hui, nous ne sommes plus à  ça près pour être véritablement choqués esthétiquement et pour d’autres raisons, mais le film d’Ophüls produit malgré tout un effet étrange et presque démentiel, réglé comme un mécanisme d’horloge dont la pièce maîtresse serait Martine Carol, angélique et splendide dans la grandeur de son personnage.

Jean-Baptiste Doulcet

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Lola Montès
Film allemand, français de Max Ophüls
Genre : Drame
Durée : 1h50
Sortie : 23 Décembre 1955 – Reprise : 3 Décembre 2008
Avec Martine Carol, Peter Ustinov; Anton Walbrook

La bande-annonce :

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