Louise-Michel

affiche.jpgGrolandais de natures, Benoît Delépine et Gustave Kervern, après quelques ovnis (dont Avida, avec Albert Dupontel), signent enfin un film dont la narration est un tant soit peu linéaire. Du moins linéaire, non, mais disons qu’il y a une intrigue. C’est souvent le problème de ces deux réalisateurs loufoques : ne pas vouloir être dans la routine du cinéma, ne pas vouloir raconter quelque chose correctement, sans qu’ils y rajoutent leur part de folie.

Malheureusement, leur moyenne maîtrise de la mise en scène ne permet qu’à  moitié ce genre de défi. Louise-Michel tombe dans le piège de la succession de sketches, reliés entre eux par un fil blanc. Une sorte de comique à  rebours dans des situations burlesques qui, parfois, ne répondent à  aucune logique dans le film ; la séquence d’ouverture, par exemple, est mystérieusement hors du contexte de tout le reste du film. Et certaines scènes laissent sur le carreau à  force de non-explication, ou alors de justification tardive, en tout cas souvent trop tard pour que l’on puisse en rire avant de s’ennuyer, car la radicalité du procédé y invite vraiment. Le grain de l’image, crasseux, finit par lasser et participe lui aussi à  entraîner le rythme dans une sécheresse déconcertante.

L’humour de type belge, construit sur des silences qui s’empilent comme des parpaings et sur l’épaisseur de personnages issus des classes ouvrières, des petites gens pauvres mais attachants, ne fonctionne que très rarement ici ; on sourit de temps en temps, mais la façon dont certains personnages apparaissent en tant que guest-stars (Kassovitz, Poelvoorde…) sans jamais appartenir à  l’intrigue laisse pantois, et l’attaque anti-capitaliste assez forte de l’idée de départ est détruite par un humour noir qui tape sur tout le monde d’une manière plus malsaine que rigolote. La séquence de la jeune fille atteinte d’un cancer, dont on lui dit qu’elle va »crever » , appartient à  ce style d’humour douteux, non pas parce qu’il se moque de la mort (chose tout à  fait plausible!), mais parce qu’il le fait mal, avec lourdeur et vulgarité. Une partie du film est prisonnière de cette folie forcée qui consiste à  dire du mal de tout le monde.
Le film finit par ne plus faire rire à  force de méchanceté gratuite, il finit par ennuyer souvent, par consterner encore plus, quand il s’essaye à  des plans fixes qui jouent en contraste avec le vide et le mouvement pour créer un effet comique qui n’est qu’ennui. Dommage, car l’idée de base, excellente (et rappelant plus ou moins Le Couperet de Costa-Gavras, à  la sauce Groland), est soutenue par des acteurs dont l’incroyable naturel fait tout le film.

Jean-Baptiste Doulcet

J’ajouterai pour ma part que le film cultive – volontairement ou non – un mauvais goût détestable, où tous les personnages, des ouvrières escroquées au patron voyou, des bien-portants aux agonisants, sont traités avec le même esprit caricatural et grotesque qui finit par les renvoyer tous dos à  dos, sans que le spectateur puisse éprouver la moindre empathie pour des êtres broyés par un système capitaliste dont les deux réalisateurs nous brossent un état sans intérêt ni pertinence. Peu drôle – et la bande-annonce concentre en quelques minutes les gags les plus percutants – Louise-Michel est en effet une succession de saynètes sans liant, dont certaines n’ont en effet aucun lien avec l’intrigue principale. De toute façon, elles s’éternisent toutes jusqu’à  provoquer ras-le-bol et ennui (le paiement du service à  Michel qui doit débarrasser du voisinage un chien bruyant, ou encore un cadre choisissant des fromages au restaurant). Comme Delépine et Kervern ne savent pas développer leur intrigue, ils la déplacent sur une deuxième, accessoire et loufoque, mais encore une fois sans apport majeur, où il est question d’inversion des sexes. Ca se voudrait satire ou farce, c’est simplement un film bâclé, sans beaucoup de poésie ni de folie burlesque assumée qui engendrerait des rires francs, et non pas des rictus acides et malsains.

Patrick Braganti

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Louise-Michel
Film français de Gustave Kervern et Benoît Delépine
Genre : Comédie
Durée : 1h30
Sortie : 24 Décembre 2008
Avec Yolande Moreau, Bouli Lanners

La bande-annonce :

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