De retour à Paris, le new-yorkais Woody Allen renoue brillamment avec la dimension fantastique qui lui avait déjà si bien réussi dans Zelig (1984) et La Rose pourpre du Caire (1986). Dans ce nouveau film, son alter ego Gil Pender, écrivain de scénarios pour l’industrie hollywoodienne, tombe sous le charme de la capitale française et délaisse petit à petit sa fiancée et ses futurs beaux-parents, surtout lorsqu’il bascule chaque nuit dans le passé pour revenir aux années 1920 et côtoyer le gratin artistique de l’époque. On se souvient que dans Annie Hall on écoutait dans un club de jazz Cole Porter. Ici Gil Pender le rencontre en chair et en os, ainsi que les Fitzgerald, Hemingway, Picasso, Buñuel, Gertrude Stein ou encore Salvador Dali. Le réalisateur de Manhattan accomplit la parfaite osmose entre ses préoccupations existentielles habituelles – le scénariste peine à écrire son premier roman et passe pour un raté aux yeux de sa richissime et conservatrice belle-famille – et son goût connu pour l’art et les intellectuels. Le choix du retour en arrière est donc particulièrement judicieux quand on sait que les années 20 ont marqué l’apogée de Paris devenu le centre de gravité de toutes les expressions artistiques, : littérature, peinture, sculpture, photographie, cinéma »Le film devient ainsi un jeu où on s’amuse de reconnaître une célébrité en guettant l’apparition de la prochaine. Cette reconstitution élégante et respectueuse des années fastes nous plonge dans le ravissement et le bonheur d’une aimable nostalgie. En effet, outre son plaisir évident à faire (re)vivre sous nos yeux ses maîtres et ses idoles, Woody Allen livre au passage une réflexion sur le temps et cette fâcheuse habitude, qui semble traverser les époques, de voir dans le passé une ère révolue, mais bénie et nettement moins ennuyeuse que celle dans laquelle on est obligés de vivre. C.’est bien sûr ce que pense Gil Pender, trop content de fuir la vulgarité ostentatoire du vingt-et-unième siècle, mais c’est aussi l’opinion d’Adriana, l’égérie de Picasso après avoir été celle de Modigliani, qu’il rencontre au cours de ses » errances, » nocturnes et qui, elle, ne rêve que de rejoindre la Belle époque trente ans plus tôt. La spirale ainsi amorcée pourrait bien ne jamais s’arrêter »
Les derniers longs-métrages de Woody Allen avaient déçu dans la répétition des scénarios sans parler de l’aspect libidineux, ou tout au moins gentiment obsédé, qu’il développait sans vergogne, presque avec volupté. Une oeuvre qui marquait le pas, un peu trop autocentrée sur des personnages par trop balisés et donc prévisibles. Dans Minuit à Paris, les lamentations, jérémiades, plaintes et interrogations sans fin sont moins présentes, laissant place au tourbillon des folles virées nocturnes et enchanteresses, rythmées par les airs de charleston et copieusement arrosées. l’ivresse est communicative parce qu’elle s’accompagne d’humour et d’intelligence. Le film est un conte et un bel hommage aux temps anciens où l’émergence d’une culture cosmopolite et pluridisciplinaire le disputait à une existence de bohème et de fêtes incessantes. Woody Allen nous communique son attrait évident et irrésistible pour Paris qu’il filme merveilleusement sous les réverbères et sous la pluie.
Patrick Braganti
Minuit à Paris
Comédie romantique américaine de Woody Allen
Durée : 1h34
Sortie : 11 Mai 2011
Avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Michael Sheen,…
La bande-annonce :