Gianni et les femmes

Deux ans après un premier film, Le Déjeuner du 15 Août, l’italien sexagénaire Gianni Di Gregorio, fort d’un succès inespéré et miraculeux, remet le couvert en se campant de nouveau sous les traits sympathiques d’un homme docile, ployant l’échine sous les assauts répétés du sort. Le sort étant ici incarné par sa vieille mère qui le prend pour une girouette, sa famille qui use et abuse de sa bonté et de son apparente faiblesse – récemment licencié, Gianni s’est transformé en homme à  tout faire, : cuisine, courses, promenades des chiens, le sien et celui de sa voisine, une jolie fêtarde. Épaulé ou mal conseillé par des copains de goguette, le récent oisif est encore émoustillé par la gente féminine, se résolvant tout aussi mal à  l’âge qu’à  la résignation. Parfaite incarnation du chic type looser, rendant service, Gianni représente d’évidence la figure du romain moyen, en proie aux difficultés quotidiennes, loin de l’image du dragueur irrésistible et beau parleur. Au contraire, Gianni est tellement modeste et discret qu’il en devient invisible aux yeux des autres à  qui il sert au mieux de faire-valoir, au pire de mécène. Son abnégation en finit presque par être suspecte. Ce personnage de séducteur sur le retour, incapable désormais d’aboutir à  ses fins, maladroit mais jamais lourdaud, encore véloce mais déjà  désuet, est évidemment touchant dans l’attention empathique et sincère qu’il porte aux autres – sa mère et son cortège d’amies – avec spontanéité et sans arrière-pensée, si ce n’est celle d’éprouver ses capacités à  pouvoir encore charmer.

Cependant, en dépit de l’affection que Gianni ne manque pas de susciter, le nouveau long-métrage de celui qui cosigna également le scénario de Gomorra (2007) n’engendre pas quant à  lui le même attachement. En effet, le film apparaît terriblement mou et gentillet, sans beaucoup d’imagination en ce qui concerne sa mise en scène. Les séquences s’enchainent puis se répètent. Les lubies de la vieille mère dépensière et capricieuse sont vite lassantes, ainsi que les artifices mis en place par Gianni et surtout son ami Alfonso. La dimension vieillotte et surannée de l’ensemble, pour attachante qu’elle soit, ne s’accompagne guère plus que d’un regard vaguement amusé et narquois, où l’autodérision affleure sans jamais se charger de férocité. Le rire est clair et simple, nullement grinçant. À force de convenance et d’une succession de situations où le contrôle reste de mise et interdit ainsi le dérapage, l’ennui guette, doublé d’une gêne croissante qui amène quelquefois à  douter de l’angélisme apparent et de la naîveté confondante de notre triste héros qui n’en peut mais. Autrement dit, on peine à  croire totalement en cette comédie tendre et désabusée, faussement douce-amère, qui s’évertue à  peindre avec compassion et complaisance en homme fragile et inadapté celui dont les aspirations profondes, de séduction et de passage à  l’acte, ne s’embarrassent probablement pas de telles hauteurs d’âme. Le mécanisme qui se voudrait mordant paraît suffisamment huilé pour qu’il ne blesse pas nos oreilles ni nos yeux.

Patrick Braganti

Gianni et les femmes
Comédie dramatique italienne de Gianni Di Gregorio
Durée : 1h30
Sortie : 1er Juin 2011
Avec Gianni Di Gregorio, Valeria De Franciscis, Alfonso Santagata,…

La bande-annonce :