Courtney Barnett – Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I just Sit

Courtney Barnett

Entrée remarquée et remarquable d’une petite Australienne dans le monde impitoyable du folk-rock avec un premier album d’une belle facture, à la fois puissant et fragile, empli de tubes sous une humilité apparente. Déjà un classique ?

Courtney Barnett - Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I just SitLe mieux, parfois, pour découvrir une artiste, c’est sur scène, sans avoir écouté ce qu’elle produisait – ou si peu… Je n’avais écouté que deux morceaux de son précédent double EP paru y’a deux ans, quand je découvrais Courntey Barnett dans un petit bar bondé durant le Liverpool Sound Music Festival en mai dernier : elle à la guitare tantôt folk, tantôt grunge, un acolyte à la basse acérée, et un autre à la batterie efficace. Un trio qui aurait pu être banal, mais qui déployait une force tranquille étonnante, avec une coolitude singulière car maîtrisée. Instant parfait, suivi d’ailleurs d’une brève rencontre inopinée dans la rue avec son groupe le lendemain, tous sourires et humilité déployés. Deuxième salve scénique peu de temps après, lors de l’excellent festival nîmois This Is Not a Love Song, où elle est arrivée seule, ses comparses ayant oublié de mettre leurs passeports à jour – tout en s’excusant d’être là et de ne pouvoir offrir ses chansons non dépouillées : le résultat live, même si moins rock que le précédent, affirmait pourtant une immense qualité : le songwriting parfait de l’Australienne de 25 ans.

Miss Barnett malaxe, désincarne ou assèche les mélodies les plus évidentes avec une maestria impressionnante

Et donc, juste après, je découvre ses disques, avec ce souvenir d’une présence scénique indubitable, même si la donzelle ne bouge quasiment pas du pied de micro. D’abord le double EP, A Sea of Split Seas magnifique, peuplé de balades folk désabusées et de sursauts rock hyper mélodiques. Confirmation sur son véritable premier album, déjà coqueluche de pas mal de médias – et pour cause : c’est à l’évidence un album aux allures de classique, où tout sonne à la fois si fort, si juste et si frais, que l’originalité du ton et de la production surpassent vite les premières sensations de « mais on a déjà entendu ça avant… » Evidemment, Miss Barnett n’invente rien, mais elle se réapproprie, malaxe, désincarne ou assèche les mélodies les plus évidentes avec une maestria impressionnante pour un quasi-début. Si on ne connaissait pas son origine, on aurait pu penser que la chanteuse de Melbourne est la petite soeur de Patti Smith pour cette voix lancinante et inspirée, la cousine de Cat Power pour cette fragilité de pop-songs tristes et belles, la petite voisine de Jarvis Cocker pour l’écriture si fine et intelligente des quotidiens les plus banals, ou la nièce (éloignée) de Kurt Cobain ou Lou Reed pour l’attitude rock omniprésente dans cet album qui avance à pas feutrés, humble sans se rendre compte des beaux tubes qu’il contient.
Une future grande artiste, encore plus que d’autres probablement. Car elle l’est déjà.

5

Jean-François Lahorgue

Courtney Barnett – Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit
Label : Mom & Pop / Marathon Artists / Milk!
Date de sortie : 23 mars 2015