Beach Fossils – Somersault

Les rejetons thuriféraires du style du label Captured Tracks reviennent avec un album apaisé et stylé. Et s’il ne se donne pas à la première écoute, il s’avère d’un charme et d’une classe folles une fois libéré des scories de la hype.

Beach Fossils
Photo © Kohei Kawashima

3e album pour Beach Fossils, les rejetons brooklynois, jusqu’il y a peu, fers de lance de l’écurie Captured tracks aux côtés de DIIV ou Mac Demarco. Et je t’entends d’ici réciter le bréviaire du label: pop stylée, lo fi, de foufous pas si foufous, adeptes de nostalgie et d’une once soooooo hype de lo-fi. Oui. Mais pas que. J’y reviendrai.

Si tu ne connais pas les animaux fossilisés, peut-être leur minoi te dira-t-il quelque chose. Il y a peu ils furent choisis par Scorcese pour incarner The Nasty Bits, groupe punk seventies emmené par le fiston Jagger, dans l’avortée série  de papa Jagger et tonton Martin: Vinyl (actuellement diffusé sur Canal+ pour ceux qui sont encore abonnés).

Mais de punk il y en a toujours eu assez peu dans l’aventure Beach Fossils… Et moins encore dans ce nouvel essai qui fait le grand saut de la musique pour blogs de barbus hipsters américains vers la musique “classe” qu’on adoube dans les magazines hexagonaux. Et je dis « classe » avec la pointe d’ironie que je réserve aux oripeaux de la hype. J’écoute ici Beach Fossils effectuer sa mue adulte avec efficacité et pourtant je ne peux m’empêcher de penser à cette pointe de surévaluation qui les dessert à mes oreilles.

Somersault est de ces albums stylés qui  ne se donnent pas tout de go, mais s’installent dans la longueur des écoutes. Je vous mets au défi d’en fredonner au débotté un morceau, et pourtant je constate que son calme enlevé en fait un super compagnon de mon blues pré-estival. Il revient régulièrement dans le lecteur. Plusieurs ingrédients majeurs participent de cette ambiance. D’abord ils se drape dans une oisiveté lascive globale, dans le déroulé de la petite quarantaine de minutes de l’album, renforcée par un Rise, où le groupe tâte de son côté soul façon Barry White: la preuve par l’exemple que le groupe a envie de s’affranchir du cadre dans lequel il évolue jusqu’ici. Mais ce ne sont pas les seuls points d’attention de ce nouvel album de Beach Fossils qui rappelle parfois la surf music non solaire de The Tides, The Thrills ou même Teenage Fanclub si je parvenais à gommer cet étrange association dans mon cerveau: pluie / Teenage Fanclub. Quoique, quand on se penche sur les paroles, on est parfois plus proche de la dépression climatique que du soleil de la plage: « Cette année je me suis dit que les choses seront meilleurs, j’essaierai de ne pas retomber sur le couteau », ou plus loin « Ces jours-ci j’ai franchement l’impression de que je fais tout de travers » ou encore « Je me suis entêté dans l’erreur tellement qu’il n’y a aucun espoir de retout à la maison »… On est pas dans le registre primesautier et estival.

Beach Fossils soigne la production de somersault. Et les arrangements: flûtes, cordes parfois cuivres, jouent avec une basse sautillante -avantagée dans le mix- et une voix éthérée rappelant les meilleurs épisodes des groupes qui jouaient à la fin des années 80, en regardant leurs pieds. Efficace. Le groupe assume une certaine filiation d’ailleurs avec les shoegazzers du début des nineties. Quand, rarement, le groupe s’autorise à distordre sa guitare sur Be Nothing, ou, quand il convoque Rachel Goswell en goguette de Slowdive, qui les rejoint pour un duo planant Tangerine,  soit en fait tous les moments où le groupe s’autorise à exagérer un peu sa reverb et pousser l’éther de sa voix.

Classe. Je l’ai déjà dit. Mais je vais tenter éviter la survente pour ne pas céder à la hype et finalement faire plus de mal que de bien à cet album bien foutu mais un peu lisse. Efficace et beau comme un disque de Phoenix avant le mariage avec Sofia Coppola. Glissant, liquide, comme dans une publicité télé qui nous enverrait  devant un soleil couchant en compagnie d’un groupe de longboardeuses en survitesse sinuant parmi les canyons qui mènent à la plage vespérale. Surf mélancolique qui ne se finirait pas, pour une fois, par “cette pub a été rendue possible grâce à la 4g de Pouygues”. Un truc stylé, mélancolique un peu, trop propre assurément et beau, aussi un peu.

Denis Verloes

Beach Fossils : Somersault
Label: Bayonet records / Differ-ant
Sortie : 2 juin 2017