Stereolab : retour sur l’histoire d’un des groupes les plus influents des 90’s

A l’occasion de la réédition de 7 albums studio de Stereolab prévue tout au long de l’année 2019, retour sur la carrière riche et passionnante du groupe conduit par Tim Gane, Laetitia Sadier et Andy Ramsey.

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Ce vendredi 20 Août 2004, après un concert correct, Stereolab quitte discrètement la scène du Palais des Festivals à Cannes. Les fans hardcore auront remarqué que quelque chose ne tournait plus rond. D’une, l’absence de Mary se faisait cruellement sentir et de deux, une tension sous-jacente minait les relations dans l’ex-couple Sadier / Gane. LCD Soundsystem suivit et transforma le Palais en étuve.
Ce soir là, sans vraiment s’en douter, on assistait à une passation de pouvoir entre le groupe emblématique des 90’s et celui qui allait devenir incontournable durant les années 2000.

En 1990, sur les cendres pop des révolutionnaires McCarthy, Tim Gane et Laetitia Sadier, qui s’étaient rencontrés lors d’un concert à Paris, composent des pépites noisy pop et choisissent pour nom Stereolab. La partie s’avère délicate pour Sadier considérée par certains fans de McCarthy comme responsable de la séparation du groupe. Sa présence sur le dernier Lp Banking, Violence And The Inner Life Today est interprétée comme annonciatrice du split. Il n’en est rien, la formation marxiste se délitera d’elle-même, les ambitions et orientations musicales devenant incompatibles entre les musiciens.

Stereolab se démarque aisément de ses contemporains noisy pop  par un chant en français et anglais. Laetitia s’affranchit des codes  et trouve en Mary Hansen une excellente mélodiste au second chant. Des murs soniques qui laissaient de belles places aux claviers analogiques, des chants et chœurs jouant au ping pong en passant par un design sonore élaboré , les londoniens décomplexés synthétisaient différents styles qui ont traversé les quarante dernières années.
Dès leurs premiers albums Peng (1992), suivi de The Groop Played Space Age Bachelor Pad Music (1993), le groupe pose les jalons de leur style atypique influencé par Neu!, le Velvet Underground et Kraftwerk. Rapidement, des singles – French Disko et Jenny Ondioline –  tournent sur MTV,  le groupe se trouve au bon endroit et au bon moment. Leur discographie devient un vrai jeu de piste pour les collectionneurs, les Lab’s sortent un bon nombre de split singles sur des micros labels, partageant ainsi la politesse avec Yo La Tengo, Fugu, Darlin’s (futurs Daft Punk), Brigitte Fontaine ou Nurse With Wound… Et la liste ne s’arrête pas là !

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Ne s’arrêtant en si bon chemin, toujours en 1993, sort Transient Random Noise Bursts With Announcements, édredon bruitiste ou les claviers analogiques (Moog et Farfisa en tête) se disputent avec les guitares répétitives.
En 1994 le single Ping Pong tiré de Mars Audiac Quintet atteint la 47 ème place du top britannique.

A partir de 1996, ils abandonnent le concept Rock noisy sur Emperor Tomato Ketchup pour s’aventurer vers une pop interstellaire avant-gardiste. L’album rencontre un beau succès, les tournées s’enchainent. Avec Dots And Loops, Stereolab compose par assistance informatique pour un résultat qui s’avère difficile à retranscrire en live. Ces complexités auront la peau de certains des membres itinérants du groupe, ce qui ne va pas les empêcher de partager la scène avec Air, Beck ou Pavement.

Cette évolution ne va pas être sans conséquence auprès de la fan-base de l’early-Stereolab qui s’éloigne pour laisser place aux fans de pop électronique aux contours easy listening, bossa nova et art pop. La presse française spécialisée, Rock & Folk et Inrockuptibles en tête n’épargneront pas le groupe. Qu’importe, Stereolab poursuit son aventure musicale avec deux autres albums plus abstraits Cobra and Phases Group Play Voltage in the Milky Night et Sound-Dust.

Au sein du groupe, les choses bougent. Morgane Lhote (Claviers) les quitte  après cinq années de loyauté. Au début 2000, le couple n’est plus. Désormais Tim Gane compose seul quant Laetitia se contente d’écrire et d’interpréter ses textes par fichiers interposés, y perdant au passage la magie qui pouvait opérer chez ces deux. La crise du disque va frapper Stereolab de plein fouet, la major Elektra les lâchera au milieu des années 2000 après leur album Margarine Eclipse. Un album qui sonne le retour au Rock, présenté comme un hommage à Mary Hansen. Son décès brutal et accidentel en décembre 2002 affecte durement le groupe. Son contre chant et son approche arty à la guitare sera une perte irremplaçable. Le groupe enregistre encore trois albums chez 4AD et Too Pure : Fab Four Structure, Chemical Chords et Not Music avec toujours un bon nombre de 45t. Toutefois, en concert Stereolab peine a retrouver l’entrain qui les caractérisait. Le groupe jettera l’éponge en 2009.

Cette fin laissera un goût amer aux fans.. quand on sait que le groupe qui était devenu incontournable de la scène indépendante avait tous les atouts pour plaire au grand public.
Avec une discographie pléthorique et passionnante, Stereolab vécu des moments héroïques et tragiques. Et fut un laboratoire ou se croisaient l’arrangeur Sean O’Hagan (The High Llamas), le bassiste David Pajo ou le producteur John McEntire tous deux ex Slint, Jim O’Rourke (Gastr Del Sol) ou encore le français Julien Gasc (Aquaserge, Hyperclean).

Après la pause décrétée par le groupe en 2009, Laetitia Sadier (chant) joue dans Monade et s’établit à Bordeaux puis retourne à Londres où Andy Ramsey (batterie)  a monté son studio. Simon Johns (basse) s’établie a Istanbul pendant que Joe Watson (claviers) perfectionne ses connaissance en électronique en Angleterre puis à Paris. Enfin la tête pensante Tim Gane, fan de Motorik et de Kosmische Musik,  part s’établir à Berlin, monte un studio et branche sa guitare avec Cavern Of Anti-Matter ou il retrouve Joe Dilworth un ancien batteur de… Stereolab. En
En Aout 2018, le fidèle Martin Pike annonçait les rééditions remastérisées de tous leurs albums agrémentés de versions rares en plus d’une tournée mondiale. Aux cotés du trio originel Gane / Sadier / Ramsey, on retrouve les fidèles Watson et Jones. Un moment unique de voir ou revoir ces « passeurs géniaux » dixit Bertrand Burgalat.

Marmillot Mathieu

Transient Random Noise-Bursts With Announcements‘ (1993) et ‘Mars Audiac Quintet‘ (1994) sont réédités (vinyle, CD, digital) en versions remasterisées et enrichies de bonus par Warp Records et Duophonic UHF Disks. Le matériel bonus comprendra des versions alternatives, démos et mixes inédits et rares.
Les rééditions de ‘Emperor Tomato Ketchup‘, ‘Dots and Loops‘ et ‘Cobra et Phases Group Play Voltage in the Milky Night‘ sont prévues pour août 2019 tandis que ‘Sound-Dust‘ et ‘Margerine Eclipse‘ sortiront en novembre 2019.

Stereolab sera en concert à la Vilette Sonique à Paris le 9 juin 2019.

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