[Live Report] White Fence au Petit Bain (Paris) : beauté tremblante et guitares flamboyantes

Le Petit Bain a tangué mardi soir dans les vapeurs du psychédélisme de Tim Presley, supporté par un White Fence en configuration des plus musclées !

Ce n’est pas forcément judicieux commercialement de programmer le passage d’un artiste pas excessivement connu comme Tim Presley à Paris, durant la première semaine du mois d’août… mais il ne nous viendrait pas à l’idée de nous plaindre de cette opportunité de voir quelqu’un d’aussi singulier… qui plus est dans le cadre délicieux du Petit Bain !

Curieusement ce soir, la scène du Petit Bain a été étendue, au détriment de l’espace dans la salle. Est-ce exceptionnel, du fait du nombre de musiciens prévus sur scène, ou bien serait-ce désormais là la nouvelle configuration de la salle ?

20h35 : Marietta, c’est en fait Guillaume Marietta tout seul avec sa guitare acoustique… sauf que c’est trompeur, car à l’aide d’un bel arsenal de pédales d’effets et aussi de musiques préenregistrées, il nous offre un set de près de 40 minutes plein d’électricité et aussi de surprises. Des chansons pas évidentes qui peuvent basculer dans le noise, des textes généralement en anglais mais aussi parfois en français, et même une lecture « édifiante » de ce qui semble un extrait de l’autobiographie de Michael Jordan (si, si !) glorifiant l’effort et l’atteinte de ses objectifs, avant un final bruitiste trop court. Guillaume a demandé qu’on monte le son, qu’on baisse les lumières, qu’on fasse plus de bruit, bref, Guillaume est bien sympathique. Une bonne première partie, un set intriguant…

21h40 : Tim Presley, l’ex-punk Californien recyclé dans le psychédélisme lo-fi, très peu connu dans nos contrées, même s’il fait rappeler qu’il a fait brièvement partie de The Fall (eh oui !) et qu’il est un grand ami de Ty Segall, est entouré ce soir d’un nouveau groupe officiant sous le nom de scène de White Fence : cinq musiciens, dont deux guitaristes, un claviériste qui dégainera rapidement également sa six cordes (ce qui nous offrira des passages flamboyants à quatre, oui quatre guitares électriques !) et une blonde batteuse. Il arbore désormais un vague look de mod anglais de la fin des sixties, avec un mince trait de rouge à lèvres. On m’avait prévenu quant au manque de jovialité de l’animal, qui pouvait plomber ses sets, et je dois dire qu’on ressent immédiatement une certaine tension sur scène, comme si les musiciens étaient particulièrement vigilants quant aux réactions de leur boss à leur boulot ! Ceci s’explique sans doute aussi par le fait qu’il s’agit d’un début de tournée européenne pour un groupe a priori assez récemment constitué…

Tim attaque sans un sourire par l’enchaînement, dans l’ordre, des quatre premiers titres de son dernier album, le très bon I Have to Feed Larry’s Hawk, devant un Petit Bain ma foi fort honorablement rempli – et très enthousiaste – malgré mes craintes. Le son est excellent, un tantinet pas assez fort (mais c’est désormais semble-t-il la règle, législation oblige…), et Tim chante étonnamment mal… ce qui ne fait, paradoxalement, qu’ajouter un charme fou à ses chansons cabossées, en guenilles. Je dois avouer que, même si je l’espérais bien entendu, je suis estomaqué par la beauté tremblante qui se dégage de cette musique, qui reste donc infiniment touchante, même en dehors de l’intimité de l’artiste et appuyée par un groupe des plus compétent comme ce soir. La référence à la musique de Syd Barrett, inévitable sur les albums lo-fi, s’estompe dans ce contexte bien plus traditionnellement rock, mais pas l’extrême sensibilité de cette musique d’écorché vif.

Plus le concert avance, plus on sent le groupe prendre de l’aisance, et on voit même l’ami Tim sourire doucement, de temps en temps. Until You Walk est une véritable petite merveille, les guitares bien en avant soutenant sans faille la mélodie comme toujours déconstruite de Tim… Une chose qui peut faire sourire, c’est qu’on ne peut jamais savoir quand une chanson est terminée ou non, tant les œuvres de Presley sont rebelles à la moindre structure traditionnelle, et semblent toujours un peu s’effilocher au fil du temps, pour mieux reprendre parfois, ou pour s’arrêter dans un vague sentiment d’insatisfaction, voire de gêne : faut-il applaudir ou pas ? Allons vexer le fragile artiste en l’acclamant trop tôt alors que la chanson n’est pas terminée ?

Tim nous avoue qu’il n’arrive pas à se souvenir de quand date son dernier passage à Paris, a priori il y a trois ou quatre ans au Point Ephémère, d’après des fans dans la salle. L’ambiance est désormais plus détendue, le public me semble dans sa large majorité apprécier (même si à la sortie, j’entendrai quelques commentaires désagréables et moqueurs sur « ce mec qui ne sait même pas chanter »…), et Tim se permet de louper deux fois le démarrage d’une chanson lancée par la batteuse, avant de planter complément l’intro du dernier titre, Forever Chained, sans pour cela en faire un drame.

Comme nous insistons beaucoup après que le groupe ait quitté la scène, au bout de cinquante minutes seulement, et avec de sincères – semble-t-il – remerciements, Tim revient et nous explique qu’il n’ont rien répété d’autre qu’ils puissent jouer en cas de rappel. Bon, ils vont quand même nous bricoler quelque chose, et attendre ainsi gentiment la quasi heure de concert, ce qui était sans doute le mieux qu’on puisse attendre.

Il n’est pas certain que l’ineffable Tim ait gagné de nouveaux fans ce soir au Petit Bain, mais je pense pouvoir affirmer que tous ceux qui aiment déjà sa musique tellement particulière ont été comblés. Et pourquoi pas, la prochaine fois, un set en commun avec l’ami Ty ? So long, Tim !

Texte et photos : Eric Debarnot

La setlist du concert de White Fence :
I Have to Feed Larry’s Hawk (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
Phone (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
Fog City (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
I Love You (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
Neighborhood Light (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
Until You Walk (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
Can You Blame
Solitude Cola
Run by the Same (Cyclops Reap – 2013)
Live on Genevieve (Cyclops Reap – 2013)
Clue
Lizards First (Family Perfume, Vol 2. – 2012)
Forever Chained (I Have to Feed Larry’s Hawk – 2019)
Encore:
(Unknown) (Michael Hurley on setlist)