A travers l’exemple de la Belgique, Harald Franssen nous rappelle que la Sécurité sociale est une utopie révolutionnaire universelle, dans un récit fort mêlant histoire et témoignage.
Le 28 décembre 1944, alors que les Allemands sont toujours en Ardenne, le parlement belge tout juste libéré vote le texte du comité clandestin qui a travaillé à l’élaboration de la sécurité sociale, « Le Pacte Social ». Ce formidable héritage est mis en relief par le récit contemporain de la naissance de la petite Louise, nouveau-née qui doit subir une opération à cœur ouvert.
Un cœur en commun est d’une d’actualité brûlante : la santé ne saurait être une variable d’ajustement des politiques publiques, elle est le cœur de notre société. Harald Franssen signe une œuvre militante : avons-nous pleinement conscience du trésor que représente la protection sociale universelle, telle que nous la connaissons en Europe ? Signé en 1944, le Pacte social belge marque un tournant dans l’Histoire en imaginant un système où chacun « contribue obligatoirement selon ses moyens » tout en recevant de l’aide « selon ses besoins ». Son scénario, peut-être trop malin, entremêle deux arcs narratifs :
– La naissance de la petite Louise, qui va nécessiter une opération à cœur ouvert. Ses parents sont désemparés et seraient incapables de payer les soins nécessaires. Or, tout est pris en charge, l’argent ne compte pas. Ici, riches et pauvres reçoivent les mêmes soins. Si cette utopie existe, elle n’est pas si ancienne, elle date des Trente glorieuses. L’expérience semble avoir été vécue par l’auteur, ce qui confie à cette partie une indéniable et touchante véracité.
– Un rappel de la misère ouvrière au XIXe siècle, avec les premiers combats syndicaux pour la mise en place de caisses de solidarité, les tergiversations des gouvernements, puis l’occupation allemande et les travaux d’un comité clandestin de hauts fonctionnaires, syndicalistes socialistes, chrétiens et patronaux qui se donnent la mission de préparer l’avenir. Les réunions du comité sont espionnées par deux enfants, dont les joyeuses interventions permettent de conserver l’intérêt des jeunes lecteurs.
Le dessin à trait épais a le mérite d’être dynamique et original. En revanche, Franssen se complique la vie en donnant à certains personnages des têtes d’animaux, un hommage à Calvo et à son livre La Bête est morte. Peut-être qu’un sujet aussi ambitieux ne nécessitait pas un traitement aussi complexe. Cette réserve étant exprimée, la lecture de cet ouvrage s’impose à tous.
Stéphane de Boysson
Un cœur en commun, la belge histoire de la sécurité sociale
Scénario et dessin : Harald Franssen
Éditeur : Delcourt
128 pages – 14,95 €
Parution : 8 janvier 2020
Un cœur en commun – Extrait :
