[OCS] Industry, saison 1 : plongée en apnée dans le chaos du trading londonien

Monde aussi puissamment évocateur que destructeur, la finance internationale et le trading méritaient bien une série comme Industry, dévoilant par ailleurs les affres glauques d’un milieu professionnel sans merci. Presque trop…?

Photo Marisa Abela, Myha'la Herrold
Copyright HBO

Si le cinéma a montré plus d’une fois les ressorts dramatiques du monde de la banque et de la finance internationales, la TV est restée jusque-là plutôt discrète. HBO a décidé de se lancer dans la peinture sans concessions de ce monde à part, où l’humain est entièrement dévoué à sa tâche de tenir, maintenir, ou faire bouger les ficelles de l’ordre monétaire et économique mondial. Une profession à hauts risques, à la production automatique d’adrénaline, dont les protagonistes sont les faire-valoir consentants d’entreprises « CAC40 » broyeuses d’âmes. Comme le veut l’adage, difficile de sortir indemne des griffes du trading.

Industry Industry, cependant, préfère le storytelling façon soap chic au pur documentaire sur ces métiers fascinants. A travers le chemin chaotique de jeunes diplômés en période d’essai pour quelques mois dans une grosse banque d’investissement, jeunes loups venant d’horizons très différents mais tous sur la sellette de futures sélections, la série décrit évidemment les drames qui se jouent devant de multiples ordinateurs et téléphones à coups de suspense et de fureur sur des problématiques de marchés et de boursicotage (on n’y comprend souvent rien, mais c’est hyper prenant et angoissant) ; mais elle n’hésite pas à explorer l’envers du décor, et les vies de ces jeunes ambitieux hors des immeubles de la City londonienne. Comment gérer l’après, le stress, les enjeux du job ? Et là, évidemment, on nous sort la grosse carte des excès en tous genres de jeunes adultes qui crament leurs neurones comme leur courte vie : drogue, sexe, médocs, dépression ou mégalomanie… dans ces moments, la série s’engouffre trop dans le sillon du cliché attendu et rebattu (surtout sur les derniers épisodes moins convaincants que les premiers).

Pour autant, d’emblée, Industry intrigue : aux commandes du premier épisode, Lena Dunham, la créatrice de l’ancienne série Girls, souffle le chaud et le froid et met à mal ses personnages prisonniers d’une course type « employé.e du mois », si bien que certains se calent déjà en mode survie dans une jungle d’entreprise hostile.  On ne trouve que peu d’empathie pour les cinq portraits d’Anglais.es que nous suivons au pas, peu de temps pour s’apitoyer sur leur sort ou les détester. Chacun, par contre, déploie ses forces et faiblesses dans ce difficile cheminement professionnel et personnel, qui ressemble parfois à un chemin de croix : coups bas, désillusions, malignité et bagout sont leur quotidien, agrémenté de soirées exutoires poussées à l’extrême, qui nous vaut, au détour des épisodes, quelques séquences de sexe ou de beuverie/drogues particulièrement osées ou mémorables, montrant ainsi une capitale britannique nocturne comme refuge de tous les possibles.

Au terme d’une première saison houleuse, à la fois thriller économique high-tech et étude sociologique aiguisée des millenials requins, on ressort exsangues et secoués d’Industry, à l’instar de ses personnages-marionnettes, pantins désarticulés ou sur des sièges éjectables, mais des êtres humains à bout et lucides jusqu’au vertige.

Jean-françois Lahorgue

Industry, saison 1
Série britannique de Mickey Down et Konrad Kay
Avec : Myha’la Herrold, Marisa Abela, Harry Lawtey…
Genre : thriller, social
8 épisodes de 30 mn.
Chaine d’origine : BBC/HBO
Date de diffusion : novembre 2020 sur OCS en France