Concert de lancement (retardé) de A Deep Sense of Happiness, le dernier album de Popincourt, qui nous a confirmé – si c’était encore nécessaire, – le niveau de classe de ce musicien français pas encore assez reconnu.
Alors que le soleil est revenu sur Paris mais que la lumière automnale trahit notre retour à une vie ordinaire, la Dame de Canton – une péniche amarrée Quai de la Gare, à quelques encablures du Petit Bain -, est un endroit parfait pour passer une belle soirée à écouter de la belle musique. Il est d’ailleurs frappant combien la qualité de la petite salle, du son et des lumières peuvent faire honte à bien des lieux parisiens où les groupes jouent dans des conditions bien moins brillantes… Ce soir, nous sommes réunis pour assister au « lancement », avec un an de retard ou presque, du dernier (et très réussi) album de Popincourt, A Deep Sense of Happiness, sorti en 2020 en pleine seconde vague covidienne…
20h35 : Villa Bianca est le nouveau groupe de Marie Ospiri, un quatuor qui va nous proposer 40 minutes de chanson française version rock ultra classique. Les textes sont soignés, et balaient le spectre des expériences de la vie des gens « normaux » : de l’adultère à l’hôtel (si on a bien compris Lupanar Hotel) au drame de la fin de vie (S’en Souvenir), en passant par la difficulté d’être mère (Sauvetage en Mère) et la stature du père (Mon Roi), Marie raconte notre existence, avec empathie, et avec une jolie plume. Derrière, autour, la musique ronronne un peu. C’est dommage parce que Marie a une voix intéressante, qui n’est pas sans rappeler celle de Chrissie Hynde, eh oui ! Et qu’il suffirait de pousser un peu les curseurs pour qu’il se passe quelque chose. Manque la colère. Ou simplement l’intensité. On a l’impression que la musique de Villa Bianca ne répond à aucune nécessité, et c’est dommage.
21h25 : Olivier Popincourt, lui, entre en scène comme pour régler ses comptes avec l’existence, avec ce foutu Covid qui l’a empêché de jouer sur scène son nouvel album ! Et ça fait du bien, mais vraiment du bien, à nous comme à lui. La Dame de Canton est bien remplie maintenant, l’atmosphère est cordiale – on est un peu entre amis, ou tout au moins entre connaissances – mais c’est presque dommage, parce qu’un talent comme celui de Popincourt n’a nul besoin de notre bienveillance.
Le set commence très fort, sur A Deep Sense of Happiness, qui expose parfaitement les forces de Popincourt : mélodie lumineuse, interprétation impeccable – Olivier est entouré d’un groupe remarquable, auquel vont venir s’ajouter des invités -, approche musicale tendue, parfois même intense alors que les thèmes semblent plutôt « bucoliques », qui montre un bel attachement à la tradition « rock à guitares » britannique. Un véritable ravissement pour ceux qui, comme nous, déplorent la disparition outre-Manche de ce classicisme dans le songwriting et l’interprétation : élégance, sobriété, tout ce qu’on aime.
La setlist de ce soir va se partager presque équitablement entre les nouveaux morceaux et les extraits du premier album de Popincourt et des EPs. On craque particulièrement sur l’irrésistible – et plus enlevé – The Brilliant Missing Link, et on est heureux de retrouver Olivier Rocabois, venu donner un coup de main sur Truly Yours. Mais c’est quand, sur Red Summer, Susanne Shields rejoint le groupe, à la flûte et aux voix, que la musique prend encore plus d’ampleur, ou plutôt de profondeur. The Grass of Winter Morning confirme sa juste position en ouverture du nouvel album, reprenant l’héritage de Pale Fountains et de XTC, pas moins ! (au fait, Olivier, pourquoi nous avoir privés ce soir du merveilleux Never Give All the Heart ?).
La fine équipe sur scène – avec une mention spéciale au pianiste, Olivier Bostvironnois, aux interventions régulièrement brillantes – est encore rejointe aux vocaux par la lumineuse Gabriela Giacoman (du groupe mod parisien French Boutik) : big band, indeed ! On entre dans la dernière partie du set, quand les choses doivent s’accélérer et monter en intensité, à partir de I Found Out, et jusqu’à un splendide This Must Be Heaven, conclusion romantique parfaite.
Mais il nous reste le rappel. Et un vrai rappel, pour le coup. Olivier assume le risque d’une version intimiste de We will be Friends, piano-voix, qui fonctionne impeccablement, avant une reprise très rock et sympathique du Hook Me Up de Johnny « Guitar » Watson, mais en version Alex Chilton. Et se quittera, pour le plaisir, avec une nouvelle interprétation de The Reason Why, enrichie par la flûte enchantée de Susanne Shields.
Un vrai régal, au point qu’on est – encore une fois – obligés de se demander pourquoi Popincourt reste encore aussi confidentiel. Trop doué, trop « classe » pour notre époque ?
Texte et photos : Eric Debarnot