Au-dessus l’Odyssée, le nouveau chef d’œuvre de Jason, est une collection réjouissante de parodies et de pastiches d’œuvres culturelles populaires universelles, un délicieux mash up de références qu’il fait se rencontrer avec son habituel sens de l’absurde. Le Must de ce début d’année !
A chaque parution d’un nouvel ouvrage du merveilleux Jason, auteur norvégien de BDs qu’à une autre époque on aurait pu qualifier d’avant-garde (mais aujourd’hui, ce terme fera sans doute fuir une bonne partie du public potentiel !), on sait qu’on est en route pour quelques heures de pur bonheur, mêlé bien entendu d’un zeste d’inconfort : une saveur aigre-douce très particulière qui constitue depuis toujours la recette inimitable d’un véritable auteur, qui n’a jamais vraiment changé de « style » depuis son premier – et inoubliable – début avec Attends…, mais qui sait néanmoins nous surprendre, nous déstabiliser même, à chaque fois.
Au-dessus l’Odyssée, son nouveau livre, créé de décembre 2020 à juin 2021, donc forcément pleinement impacté par l’effet Covid / confinement, est pourtant l’un de ses plus accueillants vis-à-vis d’un lecteur qui ignorerait encore tout de son auteur : avec son habituelle lisibilité – dessin, « mise en scène » des récits, tout est clair, simple, fluide -, Jason nous propose un peu moins d’une vingtaine de récits courts, pour la plupart très drôles, même au premier degré (enfin, on se comprend…), consistant souvent en des parodies, des pastiches d’œuvres très connues. Bien entendu, le plaisir du lecteur va largement dépendre de sa familiarité avec les livres, les films, les BDs, les musiques mêmes, et peut-être tout autant avec la vie des artistes, qui sont la matière première de ce grand « jeu » avec notre culture.
On nous rétorquera peut-être qu’il y a un certain élitisme à retravailler le Ulysse de Joyce comme s’il s’agissait d’un thriller hollywoodien bas du front (Ulysse), à résumer Crime et Châtiment de Dostoïevski en adoptant la forme des documentaires Netflix (Crime et Châtiment), à créer un mash-up du Château de Kafka avec la série anglaise le Prisonnier (Le Prisonnier dans le Château), ou encore à se moquer de la plus célèbre scène du Septième Sceau de Bergman, celle de la partie d’échecs entre le Chevalier et la Mort (Sceau VII), toutes des œuvres artistique majeures, voire un tantinet impressionnantes. Ce à quoi nous devrons répondre que d’autres histoires reprennent ici Star Trek (Contretemps dans la Ville Lumière), le giallo (Giallo), les EC Comics, les contes populaires pour enfants (Qui viendra à bout de l’Araignée ?), le cinéma de série Z de Jess Franco (Vampyros Dyslexicos), et qu’on croise dans Au-dessus de l’Odyssée des icones populaires comme Bowie, Lemmy, Delon, Athos (le mousquetaire)… Et surtout que, même si l’on ne saisira pas forcément à la première lecture les références à l’œuvre de Georges Perec dans Perec, détective privé et Je Me Souviens, le travail de Jason sur les codes de narration de la BD ou ses dérapages surréalistes (Femme, Homme, Oiseau et Je Me Souviens) sont réjouissants, que l’on en maîtrise ou pas les références, littéraires ou autres.
Surprendre d’emblée, divertir ensuite, et peut-être finalement partager avec son lecteur son goût pour une culture universelle, riche d’échos entre continents et entre artistes, voilà le programme de Jason avec cet Au-dessus l’Odyssée. Un nouveau chef d’œuvre pour ses fans, une nouvelle aventure déroutante pour les autres : choisissez votre camp.
Eric Debarnot