Plus énervé que jamais, Jon Spencer nous revient en pleine forme avec une nouvelle formation, les HITmakers : plus chaud, plus déjanté, plus électro-foutraque, son Rock’n’Roll reste une tuerie…
Depuis le premier album du Jon Spencer Blues Explosion qui avait marqué les esprits en 1992, trente ans se sont écoulés. 30 ans qui ne semblent pas avoir eu beaucoup d’impact (négatif) sur l’énergie de Jon Spencer, ce pur rocker, cette superbe bête de scène, ce fidèle perpétuateur d’un blues rock enragé qui ne change pas vraiment au fil du temps. Oh, il y a bien eu la parenthèse rockabilly de Heavy Trash, qui avait à l’époque permit à notre homme de se ressourcer un peu, mais il faut bien reconnaître que, si ses apparitions live sont restées immanquables, le public trouvait de moins en moins d’intérêt à des albums qui paraissaient manquer de plus en plus d’inspiration. A moins que ça ne soit nous, tout simplement, qui nous lassions progressivement du Blues Explosion…
L’annonce d’un nouveau groupe, the HITmakers (private joke, sûrement), est arrivée à temps pour réveiller notre attention vaguement somnolente, et la parution du nouvel album, Spencer Gets It Lit (en gros, « Spencer met le feu », ce qu’il n’a jamais vraiment cessé de faire, on le sait…), pourrait bien redonner une nouvelle vie à notre chat noir, qui est toujours jusqu’à présent, retombé sur ses pattes, même au milieu des flammes qu’il avait lui-même allumées. Bon, pas sûr que ces images fonctionnent vraiment, mais vous voyez ce que nous voulons dire : rien de vraiment neuf ici, toujours du blues rock psychotique, toujours de l’intensité, toujours des vocaux énormes, toujours une classe folle…
Rien de vraiment neuf ? C’est un peu exagéré – et injuste – de dire ça, parce que, si l’esprit et l’énergie de cette musique restent inchangés, Jon a décidé deux choses… D’abord de privilégier le groove, la danse, la soul. De nous mettre les points sur les « i », car c’est encore et toujours de sexe qu’il s’agit, baby ! (Worm Town est du pur stupre !). Et ensuite de « moderniser » tout ça. Enfin, moderniser, entendons-nous : pas de pop auto-tunée, pas de hip hop pour exprimer une rage plus juvénile, non juste des sons électroniques, des synthés, des beats indus qui « actualisent » sans le défigurer le Rock toujours plus garage, un peu plus psychédélique parfois (comme sur un Rotting Money halluciné) de Jon. Un peu comme lorsque Suicide électrocutait le rockabilly en 1977, si l’on veut faire un parallèle qui décevrait peut-être Jon (parce que ça ne nous rajeunit pas non plus…), mais qui, dans nos bouches, est un sacré compliment.
Spencer Gets It Lit, c’est donc 35 minutes de furie exhibitionniste et délirante, 13 chansons de 2 minutes 30 environ qui ne débandent pas (sur My Hit Parade, l’une des chansons les moins énervées, Jon chaloupe comme Iggy Pop croone…) : on démarre avec un Junk Man irrésistible, et on n’arrête plus de danser, la tête dans la sono, les tympans ravagés (TO BE PLAYED AT MAXIMUM VOLUME, comme on disait autrefois à une époque où personne n’aurait imaginé s’infliger des bouchons d’oreilles pour écouter du Rock’n’Roll !) par les couinement des claviers, par la guitare surpuissante et par les hurlements de loup de Jon.
Pour le moment, la chanson qui nous amuse le plus s’appelle Death Ray, délire de SciFi de série Z sur lequel Jon invoque la mort (« Hit me with your death ray / sock it to me, baby » – « Frappe moi avec ton rayon mortel / vas-y, bébé, envoie la purée ! ») au milieu d’un combat aux rayons lasers mis en scène par Ed Wood.
Mais n’imaginez pas pour autant que tout ça n’est pas sérieux : on parle ici de vrai Rock’n’Roll, et qu’il soit travesti en délire démesuré ne change rien à l’affaire. On parle ici de METTRE LE FEU, baby !
Eric Debarnot